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Bibliophilie

En Hongrie, la bibliothèque d’une abbaye millénaire menacée par une invasion d’insectes

Lors d’un nettoyage de routine, des employés de l’abbaye de Pannonhalma ont découvert une infestation de vrillettes du pain, petits coléoptères friands de reliures. Une course contre la montre s’est engagée pour sauver la collection.
Environ 100 000 livres ont été placés dans des sacs en plastique hermétiquement fermés pour six semaines. (Bela Szandelszky/AP)
publié le 15 juillet 2025 à 14h39

Après les rats de bibliothèques, voici les insectes. Et ceux-ci ont du goût : ils ont pris leurs quartiers dans l’abbaye bénédictine millénaire de Pannonhalma, en Hongrie, qui abrite la plus vieille bibliothèque du pays et l’une des plus anciennes au monde. C’est lors d’un nettoyage de routine des étagères que les employés du lieu ont eu la mauvaise surprise de découvrir des quantités anormales de poussière, qui les ont menés vers des trous minuscules dans la tranche des livres et des galeries creusées à l’intérieur.

La coupable, qui a pris l’expression «dévorer un livre» un peu trop littéralement, s’appelle vrillette du pain, tout petit coléoptère marron que l’on trouve généralement dans les stocks de nourriture sèche, grains, farines ou épices. Mais qui raffole aussi des colles à base de gélatine et d’amidon utilisées dans la reliure.

Panique à bord : l’abbaye, fondée en 996 et classée au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, héberge 400 000 volumes anciens, les plus vieux livres et archives du pays. Pour les sauver, les quelque 100 000 livres reliés à la main de la zone touchée ont été retirés des rayonnages et rangés dans des caissons, eux-mêmes placés dans des sacs en plastique hermétiques, desquels l’oxygène a été retiré. Ils doivent y rester au moins six semaines, après quoi ils seront individuellement inspectés et aspirés. Les livres abîmés devront ensuite faire l’objet de travaux de restauration.

«Jamais confrontés à un tel niveau d’infestation»

«Il s’agit d’une infestation avancée qui a été détectée dans plusieurs zones de la bibliothèque, la collection entière est donc classée comme infectée et doit être traitée en même temps, a réagi auprès de l’agence AP la restauratrice en chef chargée du projet, Zsófia Edit Hajdu. Nous n’avons jamais été confrontés à un tel niveau d’infestation auparavant.»

Heureusement, les ouvrages les plus rares et précieux de la bibliothèque – dont une Bible complète du XIIIe siècle et plusieurs centaines de manuscrits datant d’avant l’invention de l’imprimerie au XVe – sont stockés séparément et n’ont donc pas été touchés par l’infestation.

Mais cette épreuve est inédite pour les conservateurs. «Jusqu’ici, on faisait plutôt face à des dégâts liés à la moisissure, à la fois dans les dépôts et mes collections ouvertes», explique Zsófia Edit Hajdu. Mais selon la conservatrice, les températures en hausse, «favorables à la vie des insectes», permettent aux coléoptères de réaliser davantage de cycles de développement par an. Pour elle, les trésors et leurs gardiens ne sont donc pas au bout de leurs peines : «Je pense que de plus en plus d’infestations d’insectes vont avoir lieu à cause du réchauffement climatique.»