Menu
Libération
Justice

En Italie, la Cour suprême confirme le délit d’apologie du fascisme

Après la manifestation néonazie du 7 janvier, la plus haute juridiction pénale du pays affirme que le «salut romain» constitue un délit d’apologie du fascisme. Les modalités d’application de la loi restent cependant la prérogative des tribunaux.
Le 7 janvier, des centaines de personnes se sont réunies à Rome, devant l’ancien siège du Mouvement social italien (MSI), formé par des partisans de Benito Mussolini. (Francesco Benvenuti/AP)
publié le 19 janvier 2024 à 18h54

Les images ont fait le tour du monde. Le 7 janvier, des centaines de personnes, majoritairement de jeunes hommes, faisaient le salut fasciste, ou «salut romain», à Rome, devant l’ancien siège du Mouvement social italien (MSI), un parti politique formé par des partisans de Benito Mussolini (au pouvoir de 1922 à 1943) après la Seconde Guerre mondiale. Les images de cet événement, auquel ont participé des militants proches de l’écosystème du Rassemblement national, membres de la «GUD connection», ont choqué dans toute l’Europe et suscité de nombreuses réactions.

La presse transalpine a révélé la présence de proches de la cheffe du gouvernement italien d’extrême droite, Giorgia Meloni. Notamment le vice-président de la Chambre des députés, Fabio Rampelli. Vivement critiquée par ses opposants, la Première ministre, cofondatrice du parti post-fasciste Fratelli d’Italia, a gardé le silence sur ce rassemblement et ses suites judiciaires.

La plus haute juridiction pénale du pays, la Cour suprême, s’est réunie le 18 janvier afin de statuer sur sa position. Elle estime dans sa décision que la cérémonie d’appel, par laquelle les participants à une manifestation fasciste ont répondu «présents», ainsi que le «salut romain» – bras tendu – sont punissables par la loi. Selon les juges, ce sont des rituels «évocateurs de la gestuelle propre au parti fasciste dissous» après la Seconde Guerre mondiale, qui tombent sous le coup de l’article 5 de la loi Scelba de 1952, prohibant toute apologie du régime fasciste.

Cependant, le texte précise que le délit n’est pas manifeste dans le cas d’une commémoration et qu’il est nécessaire de prouver que les personnes qui l’exécutent ont comme objectif de ressusciter le Parti national fasciste. Les juges ajoutent que pour sanctionner ces comportements, il convient «de prendre en compte le danger concret de réorganisation du parti dissous», un obstacle quasi insurmontable selon des juristes interrogés par l’AFP.

Les juges suprêmes ont également décidé un nouveau procès en appel pour huit militants qui avaient effectué le «salut romain» lors d’une cérémonie commémorative en 2016. Ils avaient été condamnés en seconde instance. «En Italie, on ne punit pas les opinions», s’est réjoui Domenico Di Tullio, avocat de l’un des prévenus, cité par l’agence Ansa. Le groupuscule néonazi CasaPound, à l’origine de l’organisation de la manifestation du 7 janvier, a pour sa part salué «une victoire». Emilio Ricci, vice-président de l’Association nationale des partisans italiens (Anpi) appelle la justice à poursuivre les participants au rassemblement du 7 janvier. Il voit dans la décision des juges une «clarification» à même de condamner les militants néofascistes.

La décision de la Cour suprême a beaucoup fait réagir. Selon le constitutionnaliste Gaetano Azzariti, elle a «confirmé les valeurs antifascistes» de la république italienne d’après-guerre mais en laissant les modalités d’application aux tribunaux, elle adopte tout de même une «position d’équilibre». Le professeur de droit constitutionnel Giulio Vigevani estime, lui, qu’il restera très compliqué de poursuivre l’apologie du fascisme à partir des dispositions de la loi Scelba : «Dans 99 % des cas, il ne sera pas possible de condamner sur le seul salut romain. La Constitution italienne défend une démocratie ouverte qui n’a pas peur de ses ennemis.»