Le nom de Giulia Cecchettin était sur toutes les lèvres dans les cortèges de la péninsule en ce samedi 25 novembre qui marque la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Cette étudiante de 22 ans qui aurait dû obtenir son diplôme d’ingénieure médicale dans quelques jours a été tuée le 11 novembre par son ex-petit ami Filippo Turetta, avec qui elle allait acheter sa tenue de fin d’études, retrace la BBC.
Après une semaine de cavale, Turetta, étudiant de 22 ans originaire de Padoue, a été arrêté en Allemagne et placé en détention provisoire dimanche 19 novembre à Leipzig en Allemagne. Un mandat d’arrêt international avait été émis contre lui. Selon les informations du quotidien national italien Corriere della Sera, lors de son arrestation sur la bande d’arrêt d’urgence d’une autoroute, à court de carburant, le suspect a avoué aux policiers : «J’ai tué ma petite amie.»
Une «violence et une férocité inouïe»
Selon les premières investigations, la mort de Giulia remonte à la nuit du 11 au 12 novembre. Son corps a été retrouvé le 18 novembre dans un ravin près du lac Barcis, à une centaine de kilomètres au nord de Venise, la tête et le cou portant de nombreuses traces de coups de couteau. Peu après sa disparition, des images de vidéosurveillance d’un parking à Vigonovo, près de là où habitait Turetta, montrent les derniers instants de sa vie. Une séquence de 22 minutes d’une «violence et d’une férocité inouïe», selon la juge d’instruction Benedetta Vitolo, en charge de l’enquête. Giulia Cecchettin aurait tenté de s’enfuir mais Filippo Turetta lui a mis un ruban adhésif sur la bouche, l’a forcée à monter dans sa voiture et s’est rendu dans une zone industrielle, où il l’a de nouveau violentée.
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L’ensemble de la classe politique italienne s’est ému de ce féminicide. A commencer par la présidente du Conseil d’extrême droite Giorgia Meloni. «Chaque femme tuée parce qu’elle est ‘coupable’d’être libre est une aberration qui ne peut être tolérée et qui me pousse à poursuivre le chemin entrepris pour mettre fin à cette barbarie», a-t-elle été écrit sur X (anciennement Twitter).
Les données du ministère de l’Intérieur dénombraient 106 femmes tuées cette année en Italie au 19 novembre, 87 dans la sphère familiale ou affective, dont 55 par un conjoint ou un ex. La cheffe du gouvernement, qui revendique le slogan fasciste «Dieu, famille, patrie», n’a pas manqué d’être mise face à ses contradictions pour sa promotion d’une culture patriarcale par une présentatrice vedette, Lilli Gruber. Ce à quoi la cheffe du gouvernement a répondu sur Instagram par une photo de femmes de sa famille, comme un totem d’immunité.
Une minute de bruit
Au-delà des postures politiciennes, l’émoi provoqué par ce meurtre a forcé le gouvernement à prendre des mesures immédiates. Le Sénat a voté à l’unanimité et dans l’urgence mercredi un projet de loi «visant à renforcer les mesures de protection des femmes», déjà adopté par la Chambre des députés en octobre. Il prévoit notamment une simplification de l’utilisation du bracelet électronique, des procédures accélérées de mise en sécurité des victimes ou encore la possibilité d’arrêter un suspect même lorsque le crime survenu dans les dernières 48 heures ne peut être démontré que par des photos, vidéos, informations GPS ou messages, détaille le quotidien italien Il Post. Georgia Meloni assure également avoir prévu une campagne de sensibilisation dans les écoles. Mais selon RFI, seuls les lycéens et lycéennes sont concernés par ces cours facultatifs pour «éduquer aux relations».
La minute de silence décrétée mardi dans les établissements scolaires par Giorgia Meloni en hommage à Giulia Cecchettin s’est, elle, transformée en une protestation bruyante. Un mouvement impulsé par la sœur de la victime, Elena. Dans une lettre ouverte publiée lundi dans le Corriere della Sera, elle demande à ce que «pour Giulia on ne fasse pas une minute de silence, mais qu’on brûle tout». «Il minuto di rumore», cette minute de bruit, s’est répandue comme une traînée de poudre, des écoles aux facs et à la Chambre des députés. Les images diffusées sur les réseaux sociaux attestent de la colère de la société et en particulier de celle de la jeunesse italienne. De multiples manifestations se sont organisées cette semaine dans différentes villes du pays. Dans sa tribune, Elena Cecchettin refuse la qualification de «monstre» pour désigner Filippo Turetta : «Les monstres ne sont pas malades, ce sont des enfants sains du patriarcat, de la culture du viol.»