Au centre de ce parc aux larges allées bitumées, ombragées par de hauts pins, trône une sculpture, sorte d’obélisque blanche surmontée d’un aigle assis, les ailes fermées. Elle témoigne du passé fasciste de ce lieu de flânerie situé au cœur de Latina, une ville côtière située à 70 kilomètres au sud de Rome. Le parc a été rebaptisé «Borsellino et Falcone» en 2017, deux juges figures de la lutte antimafia assassinés en Sicile en 1992. Mais auparavant, il portait le nom d’Arnaldo Mussolini, le frère cadet du Duce, Benito, mort d’un infarctus en 1931.
Une appellation dont le député du coin Claudio Durigon, membre du parti d’extrême droite la Lega, est manifestement nostalgique. En proposant, le 4 août dernier, de revenir à cette ancienne dénomination, ce secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie a déclenché la polémique de l’été en Italie. Il a finalement été poussé à la démission du gouvernement de coalition de Mario Draghi par les réactions outrées de la gauche et du Mouvement 5 étoiles (M5S). «J’ai décidé de démissionner», écrit-il dans une lettre ouverte, reconnaissant avoir commis «des erreurs» pour lesquelles il se dit «prêt à en payer le prix». «Je ne suis pas fasciste et je ne l’ai jamais été», se défend-il encore.
Marais pontins
Le député de 49 ans est né à Latina. La ville, initialement appelée «Littoria», a été créée sous la période fasciste dans le cadre de la «Bonification agricole». Cette politique était destinée à augmenter la surface cultivable en construisant des canaux ou en asséchant les terres marécageuses, afin de rendre l’Italie auto-suffisante. Avant la fondation de la ville en 1932, la région était recouverte de vastes marécages délaissés, les marais pontins. Sous Mussolini, de nombreux ouvriers agricoles vivant dans la misère en Vénétie (Nord-Est) y furent acheminés pour participer à la construction de cette économie agricole. Parmi eux, les grands-parents de Claudio Durigon.
La ville grossit et le parc, clôturé dans les années 1950, prend le nom du frère cadet du Duce, déjà associé à ce qui faisait initialement office de rond-point en son centre. Aujourd’hui, la période de bonification des marais pontins bénéficie encore d’une bonne image auprès d’une frange de la population de cette région. Quand le parc a finalement été renommé en 2017, le baptême avait été troublé par des néo-fascistes, raconte Le Monde.
Tollé immédiat
La polémique aura donc été ravivée il y a trois semaines et fait des remous aussi bien à gauche qu’à droite, jusque dans les rangs de la Lega de Matteo Salvini. Ce dernier s’est fendu jeudi soir d’un hommage à son fidèle collègue qui «quitte son poste pour l’amour de l’Italie et de la Ligue». Mais pour la frange «modérée» du parti, cette sortie aux relents fascistes ont plutôt pour effet de saper les efforts de dédiabolisation de la formation.
Au centre-gauche et au M5S, le tollé avait été immédiat et les critiques visaient aussi la trop grande discrétion de Marion Draghi sur ce sujet. «Ceux qui détiennent des fonctions gouvernementales ne peuvent fouler aux pieds la mémoire des victimes de la lutte contre la mafia et méconnaître le fondement antifasciste de notre constitution républicaine», écrit l’ancien chef du gouvernement italien et leader du M5S, Guiseppe Conte, sur les réseaux sociaux. Son prédécesseur et leader du Parti démocrate Enrico Letta, avait déclaré il y a quelques jours que «l’apologie du fascisme est incompatible avec le rôle de secrétaire d’Etat», rapporte la Repubblica.