Je suis journaliste en Macédoine du Nord depuis seize ans, dont une dizaine d’années où mon travail a été entravé par des données officielles obsolètes et erronées.
Jusqu’en 2022, quand le gouvernement a enfin terminé son nouveau recensement, même le directeur du bureau des statistiques était incapable de me fournir le chiffre exact de la population. Officiellement, nous étions 2,1 millions, mais ces données dataient de 2002, car le pays n’a pas achevé le recensement de 2011.
La plupart des autres pays effectuent leur recensement tous les dix ans, pour des raisons pratiques. Ici, le processus soulève de délicates questions ethniques sur l’importance de la communauté albanaise par rapport à la majorité macédonienne.
Les nationalistes macédoniens voulaient démontrer, chiffres à l’appui, que les Albanais du pays représentent moins de 20% de la population, seuil qui leur conférerait certains droits, en vertu de l’accord de 2001. Mais la communauté albanaise, qui voulait évidemment le contraire, a fait pression pour que les membres de sa diaspora soient inclus dans le recensement.
Vu de Skopje
En 2011, le gouvernement a abandonné le recensement en cours quand il s’est rendu compte que les nationalistes des deux camps avaient sans doute tellement falsifié les chiffres que personne n’accorderait le moindre crédit aux résultats.
Résultat : pendant plus de dix ans, ces données inexactes ont influé sur les décisions politiques. De même, chaque fois que j’écrivais sur le taux de fécondité ou de mortalit