«Dommage que le Président soit à nouveau contre les Polonaises.» Sur le réseau social X (ex-Twitter), ce vendredi 29 mars, la vice-ministre polonaise de l’Education, Katarzyna Lubnauer, n’a pas masqué son agacement après le veto du président conservateur, Andrzej Duda, sur la loi visant à libéraliser l’accès à la pilule du lendemain. Ce projet de loi était un élément central du programme de la coalition pro-européenne menée par Donald Tusk, au pouvoir depuis décembre, après huit ans de règne du parti nationaliste populiste Droit et Justice (PiS), marqués par un recul des droits reproductifs. L’accès à la contraception d’urgence avait notamment été restreint par le gouvernement du PiS, la rendant disponible uniquement sur ordonnance.
Reportage
Le texte, qui vise à permettre l’accès à la pilule sans ordonnance à partir de 15 ans, a été voté en février au Parlement par 244 voix contre 196. Mais le plus dur restait à faire, le projet de loi devant ensuite être débattu au Sénat puis promulgué par le président conservateur. Allié du PiS et catholique déclaré, le chef de l’Etat a motivé son refus ce vendredi par le respect des «normes de protection de la santé des enfants», jugeant également l’âge minimum trop bas. Il a décidé de «renvoyer l’amendement à la loi sur les produits pharmaceutiques au Parlement en lui demandant de réexaminer la loi». En revanche, en ce qui concerne les femmes majeures, ce dernier a affirmé être «ouvert aux solutions envisagées» par la loi en question.
Un veto présidentiel à contourner
La décision a été ouvertement condamnée par la vice-présidente de la Chambre haute du Parlement, et la gauche dénonce le manque de cohérence de ce rejet : l’âge de consentement aux activités sexuelles étant fixé à 15 ans, les jeunes filles devraient dès lors pouvoir avoir le droit de se protéger d’une grossesse non désirée. «On lance le plan B», a réagi sur X le Premier ministre, Donald Tusk, regrettant que le président n’ait pas saisi «l’occasion de se placer du côté des femmes». Pour contourner le veto présidentiel, le gouvernement compte autoriser les pharmaciens à la prescrire eux-mêmes. «Un règlement est en dernière phase de consultations […] Cette pilule sera disponible sur prescription pharmaceutique», délivrée par un pharmacien, à compter du 1er mai, a annoncé la ministre de la Santé, Izabela Leszczyna.
Le débat sur la pilule du lendemain coïncide avec des tentatives de libéraliser la législation polonaise sur l’avortement, parmi les plus strictes d’Europe. Dans ce pays de forte tradition catholique, l’avortement n’est légal que si la grossesse résulte d’un viol, d’un inceste, ou si elle menace la vie ou la santé de la mère. En décembre 2020, une femme avait été empêchée d’accéder à un avortement fondé sur l’existence d’anomalies fœtales, provoquant la condamnation de la Pologne par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour «violation du droit au respect de la vie privée».
Des pilules abortives interdites
De plus, la loi actuelle est tellement répressive – trois ans de prison pour quiconque tente d’avorter ou aide quelqu’un à le faire – que les médecins ont peur d’en effectuer. L’exemple de Justyna Wydrzynska, une militante polonaise condamnée en mars 2023 par un tribunal de Varsovie à des travaux d’intérêt général pour avoir contribué à un avortement, dissuade et inquiète. C’est l’une des raisons pour lesquelles 100 000 femmes interrompent chaque année leur grossesse en recourant à des pilules abortives interdites en Pologne, ou en allant à l’étranger, selon les estimations d’organisations féministes.
Si quatre projets de loi visant à libéraliser l’avortement ont déjà été soumis au Parlement depuis l’arrivée du nouveau gouvernement, les travaux n’ont pas débuté, dans l’attente du feu vert du président de la Chambre basse. Ce dernier, Szymon Holownia, qui se déclare catholique progressiste et qui a déjà affiché ses ambitions de devenir chef d’Etat, explique le retard par le souhait d’éviter ce débat pendant la campagne pour les élections locales prévues le mois prochain.