Dans ce vieil appartement de la petite ville de Labytnangui, en Iamalie, au-delà du cercle Arctique, la télévision est posée dans un angle de la cuisine, sur le frigo. Le volume est fort, la chaîne NTV crache sa propagande martiale en boucle et contraste avec la douceur de la première neige qui s’écrase sur les fenêtres. «L’armée russe est la mieux équipée» ; «Les Ukrainiens sont corrompus par les Américains» ; «L’opération spéciale suit son cours»… La télévision comble l’espace sonore mais personne ne semble y prêter attention.
Vladimir, 69 ans, est père de cinq enfants. La famille est pauvre, ils sont sept à vivre dans ces deux pièces. Chaque mouvement est calculé, chaque mètre carré est précieux. Un par enfant, plongé dans son téléphone. Les toilettes et la baignoire sont dans l’entrée, des matelas s’entassent dans la pièce principale, avec les lits des jumeaux nouveau-nés. Deux grosses boîtes en carton offertes par l’hôpital font office de tiroirs pour ranger le linge des bébés. Soucieuses de pousser la natalité pour contrer les problèmes démographiques, les autorités ont offert pour plusieurs mois de lait en poudre, couche