A l’heure où la répression contre les minorités sexuelles en Russie se fait de plus en plus sévère, il s’agit d’une première. Mercredi 20 mars, un tribunal de la ville d’Orenbourg, proche de la frontière avec le Kazakhstan, a annoncé le placement en détention provisoire pour «extrémisme» LGBT + des deux gérants du bar Pose, qui se trouve dans l’Oural. Sur Telegram, le tribunal a précisé que les deux prévenus - le directeur artistique et l’administratrice du bar - resteront en détention au moins «jusqu’au 18 mai 2024». Dans un communiqué publié dimanche 31 mars, le tribunal a indiqué que le propriétaire du bar avait lui aussi été arrêté et placé en détention jusqu’à la même date, pour les mêmes motifs. En Russie, la détention provisoire est d’ordinaire systématiquement prolongée jusqu’au verdict du procès.
Jamais auparavant une procédure criminelle pour «extrémisme», qui repose sur l’arsenal législatif anti-LGBT + déployé ces dernières années par le pouvoir en place, n’avait été poussée jusqu’à la case prison. Selon l’accusation, «au cours de l’enquête, il a été établi que les accusés, des personnes ayant une orientation sexuelle non traditionnelle, […] soutiennent également les opinions et les activités de l’association publique internationale LGBT (sic) interdite dans notre pays». Les deux accusés risquent une peine pouvant aller jusqu’à dix ans de prison, selon les autorités. «Il s’agit de la première affaire pénale de ce type en Russie après la décision de la Cour suprême de classer comme extrémiste le mouvement LGBT», s’est félicité Ekaterina Mizoulina, une militante de la défense des «valeurs traditionnelles» prônée par Vladimir Poutine.
Analyse
Depuis 2013, une loi en Russie interdit la «propagande» de «relations sexuelles non traditionnelles» à l’adresse des mineurs. Dans la foulée d’un tour de vis général dans la société après l’assaut russe contre l’Ukraine, cette législation a été considérablement élargie fin 2022 pour interdire toute forme de «propagande» LGBT + dans les médias, sur Internet, dans les livres et les films. Puis en novembre 2023, la Cour suprême russe a banni le «mouvement international LGBT», ouvrant la porte à de lourdes peines de prison. Ces dernières semaines, plusieurs Russes ont été condamnés à des amendes pour avoir par exemple mis en ligne des photos comportant des drapeaux arc-en-ciel ou encore, dans le cas de deux femmes, d’avoir diffusé en ligne une vidéo de leur baiser.
«Ce que les personnes LGBT + et les militants des droits de l’homme craignaient depuis la fin de l’année dernière s’est finalement concrétisé : les forces de l’ordre russes, enhardies par l’arrêt honteux de la Cour suprême, qui a déclaré «extrémiste» un «mouvement LGBT + international» inexistant, ont ouvert leur premier dossier d’«extrémisme» lié aux LGBT +», déplore la directrice d’Amnesty International en Russie, Natalia Zviagina. Dans un communiqué, l’ONG appelle la communauté internationale à demander aux autorités russes de «revenir sur l’arrêt homophobe de la Cour suprême et de mettre immédiatement fin à la persécution des personnes LGBT +» en Russie.
Mis à jour dimanche 31 mars avec l’arrestation et le placement en détention du propriétaire du bar.