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Libération
Répression

En Russie, une blogueuse condamnée à plus de 5 ans de prison pour avoir parlé du massacre de Boutcha

Anna Bajoutova avait lu sur Twitch des témoignages d’habitants après le massacre de Boutcha, en Ukraine. Son avocat a annoncé qu’il ferait appel.
Des corps à l'intérieur d'une fosse commune le 4 avril 2022 à Boutcha, en Ukraine. (Alexey Furman/Getty Images via AFP)
publié le 5 juin 2024 à 17h30

«Dégoûtant, répugnant, merdique !» C’est ainsi qu’a réagi Anna Bajoutova depuis le box des accusés ce mercredi 5 juin, selon des journalistes de l’AFP présents au procès. A 30 ans, la blogueuse russe vient d’être condamnée à cinq ans et demi de prison par le tribunal du quartier d’Ostankino, dans le nord de Moscou, qui l’a reconnu coupable d’avoir «diffusé des fausses informations».

En juin 2023, la jeune femme avait relaté des témoignages du massacre de Boutcha sur sa chaîne «YokoBovich», sur la plateforme Twitch. Plus précisément, Anna Bajoutova avait lu en direct «des récits d’habitants de la ville, avait rapporté que les soldats russes avaient tué 300 personnes à Boutcha et avait tenu des propos durs à l’égard des occupants russes», détaille l’association de défense des droits humains Memorial, qui qualifie la blogueuse de prisonnière politique. Ce mercredi, l’avocat de la défense, Andreï Nevrev, a fait savoir qu’il ferait appel, dénonçant «un verdict sévère».

Des blogueurs «patriotiques» ont porté plainte

Le 31 mars 2022, l’armée russe se retirait de Boutcha, ville de la banlieue de Kyiv. Deux jours plus tard, les images du massacre étaient révélées au grand jour. Depuis, l’Ukraine et les Occidentaux accusent les troupes russes d’avoir exécuté des centaines de civils et d’être coupables de crimes de guerre. Des accusations que rejette Moscou, qui dénonce une mise en mise en scène occidentale, et ce malgré les nombreux témoignages, indices et preuves impliquant les militaires russes.

Pour avoir lu ces témoignages, Anna Bajoutova est aujourd’hui en détention. En juin 2023, des blogueurs «patriotiques» russes soutenant l’offensive russe contre l’Ukraine avaient porté plainte contre la jeune femme. Deux mois plus tard, des policiers étaient venus à son domicile, confisquant son matériel audiovisuel. Sa chaîne Twitch, qui a fonctionné pendant sept ans, a quant à elle été bloquée.

Répression sans merci

«Les poursuites pénales engagées contre [Anna Bajoutova] violent son droit à la liberté d’expression et visent à réduire au silence les personnes qui, en Russie, critiquent la guerre contre l’Ukraine», a fustigé Memorial sur son site. Depuis le début de l’invasion en Ukraine, le Kremlin a accéléré sa répression à l’égard des détracteurs du pouvoir et à l’égard de ceux qui dénoncent l’offensive russe.

Accusés de diffuser de fausses informations discréditant les forces russes, de nombreuses personnalités et anonymes ont déjà été condamnés à des peines de prison. En avril 2024, Sergueï Mingazov, un journaliste russe de l’édition russe du média Forbes a ainsi été arrêté pour des publications sur le massacre de Boutcha. Fin 2022, l’opposant Ilia Iachine a lui été condamné à plus de huit ans de prison pour avoir dénoncé «le meurtre de civils» dans la ville ukrainienne.