On imagine qu’Ebba Busch a ruminé chaque mot du communiqué publié jeudi 14 août sur ses réseaux sociaux. Difficile d’en être autrement quand vous reconnaissez publiquement une boulette signée et, en creux, votre incompétence. Au cœur du sujet : une citation utilisée dans un discours quelques semaines plus tôt par la très conservatrice vice-première ministre suédoise chargée de l’Energie et de l’Industrie, connue pour ses positions anti-immigration et pro-Israël (elle a notamment assuré qu’«Israël rendait service au monde entier» dans sa guerre à Gaza). Et inventée de toutes pièces par une IA.
Le 27 juin, lors du congrès annuel de son parti, Ebba Busch s’en était prise sur scène et comme souvent, aux féministes qu’elle déteste. Dans son viseur notamment, «l’écrivaine culturelle Elina Pahnke», la «plus en colère de toutes», qui aurait déclaré : «Le pouvoir des hommes n’est pas une abstraction – il est concret, et il écrase des vies.» Une citation scandaleuse pour la responsable politique suédoise.
Dans un texte publié dans le journal suédois Aftonbladet, Elina Pahnke raconte avoir été surprise d’entendre son nom cité par la vice-première ministre, découvrant la séquence comme tout le monde en regardant la télévision. Problème : la journaliste et écrivaine n’a aucun souvenir d’avoir un jour écrit ou prononcé cette phrase. Elle vérifie, cherche sur internet, sur ses propres réseaux sociaux, contacte le parti Chrétien-Démocrate dont Ebba Busch est la présidente. Rien n’y fait : la citation n’existe pas.
Le Premier ministre suédois utilise aussi Chat-GPT
Le 14 août, Elina Pahnke finit donc par raconter cette histoire dans les colonnes d’Aftonbladet. Quelques heures plus tard, un communiqué de la vice-première ministre tombe. Il commence ainsi : «Je veux m’excuser auprès d’Elina Pahnke.» Dans ces quelques lignes Ebba Busch reconnaît avoir «attribué» une citation d’Elina Pahnke qu’elle «n’a pas prononcé».
Elle explique que l’erreur vient d’un «outil d’intelligence artificielle» (sans le citer) qui aurait mélangé plusieurs propos tenus par Elina Pahnke par le passé pour inventer une citation. L’IA aurait même assuré aux équipes d’Ebba Busch que la phrase venait d’un tweet et d’un article de presse… qui sont pourtant tous les deux introuvables. Elle ne précise pas en revanche la demande qu’elle a formulé auprès de cet «outil» pour qu’il lui trouve la citation parfaite pour son discours antiféministe. «C’est une situation complètement nouvelle pour nous […]. Nous prenons cela au sérieux et nous travaillerons différemment à l’avenir», conclut Ebba Busch.
Ironie de l’histoire : début août, Ulf Kristersson, le Premier ministre suédois, expliquait justement utiliser régulièrement Chat-GPT pour avoir un deuxième avis au moment de prendre des décisions pour le pays. Et que nombre de ses collègues faisaient de même au quotidien. Ils réfléchiront probablement deux fois désormais avant de l’utiliser.