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Reportage

En Ukraine, le foot comme exutoire des vétérans mutilés : «Pendant qu’ils jouent, ils peuvent oublier la douleur fantôme»

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Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
En plus de contribuer à leur rééducation physique, le football offre aux anciens combattants blessés une forme de thérapie. Le sport gagne en popularité en Ukraine, au point que certains ambitionnent de propulser le pays dans les compétitions mondiales.
A Lviv, le 13 avril. Dans l'Ukraine en guerre, les vétérans ayant perdu un ou plusieurs membres se comptent par dizaines de milliers. à Lviv, le 13 avril. (Simona Supino/Libération)
par Patrice Senécal, envoyé spécial à Lviv et Kyiv
publié le 19 mai 2024 à 12h40

Il les observe depuis un moment déjà, assis sur un banc, en retrait, l’air hésitant. Tandis que ses nouveaux camarades s’essoufflent sur un terrain de football en lisière de Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine, le jeune homme au collier de barbe appréhende : «Je ne sais pas si je vais y arriver, mon équilibre n’est pas au top. Et puis, je n’ai pas encore fini ma rééducation…» A ses côtés, Bogdan Melnyk, l’entraîneur, se fait rassurant : «Ne t’inquiète pas, ça arrive à tout le monde de tomber.»

Les minutes passent. Et soudain, le voilà qui se lève, empoigne ses béquilles. Puis, se met à dribbler un ballon de la seule jambe qu’il lui reste. «Bravo, Andriy !» Le regard empli de fierté, Bogdan contemple le jeu de passe du nouveau joueur, alors que le reste de l’équipe enchaîne les exercices. Depuis sa blessure, c’est la première fois qu’Andriy renoue avec un terrain de football, sa passion d’avant-guerre.

L’autre visage de la guerre qui déchire l’Ukraine se dévoile, en cette matinée d’avril, sur cette pelouse de Lviv : tous sont d’anciens soldats, comme lui, ayant payé de leur chair la résistance face à l’envahisseur russe. Andriy, les yeux fuyants, ne souhaite pas s’épancher sur les circonstances de son amputation, mais raconte volontiers, en revanche, ses souvenirs de footballeur, «qu’autrefois [il] portait le numéro 4» et «qu’avec ce gars là-bas, on jouait ensemble, plus jeune». A 24 ans, comme tant d’autres destins bouleversés d’Ukrainiens, c’est