Au début de l’hiver, nos reporters en Ukraine, Stéphane Siohan et Kristina Berdynskykh, ont voyagé en Bretagne, à l’occasion des Rencontres européennes organisées à Rennes par l’Institut français, accompagnés d’un groupe d’Ukrainiens, pour partager avec les gens de la capitale bretonne les rêves nocturnes et éveillés d’un peuple en guerre. Dans le train de Kyiv à Varsovie, puis de Paris à Rennes, il y avait Natalya Diedova, une journaliste de Marioupol, âgée de 46 ans, très connue dans sa ville avant le 24 février 2022, date de l’invasion russe.
Natalya sortait pour la première fois d’Ukraine depuis deux ans et demi. Un peu désorientée, follement courageuse, mais nerveuse, à l’idée de raconter son histoire pour la première fois en public. Un samedi après-midi, elle s’est promenée sur le sable, humant les embruns, au pied des remparts de Saint-Malo, une autre cité un jour détruite par la mitraille. Puis reconstruite. Le lendemain, dans l’amphithéâtre bondé des Champs libres de Rennes, Kristina et Stéphane lui ont posé une seule question. Raconter un jour, un seul, celui où son mari a été tué par l’armée russe. Une seule question pour une seule réponse.
Siège de la ville
«J’ai vécu pendant quarante-trois ans à Marioupol, passant vingt-deux de ces années avec mon mari. Il s’appelait Viktor Diedov. Il était caméraman à la télévision régionale. Moi, j’étais journaliste, rédactrice en cheffe et présentatrice du journal. Nous avons travaillé ensemble pendant vingt-deux ans, jusqu’au jour le plus effro