La tête entre les mains, il est recroquevillé contre un tronc en bordure de la chaussée. Voilà quatre jours que Mohamed (1) erre dans les bois, le ventre vide. Creusé par la fatigue, son visage hagard est bleui par les gyrophares d’une ambulance immobilisée tout près : mal en point, l’un de ses amis s’apprête à être conduit d’urgence à l’hôpital d’Hajnowka, tout à l’est de la Pologne. Face au mercure qui affleure le 0°C en cette soirée d’octobre, la mince veste que porte Mohamed, bonnet vissé sur la tête, ne fait pas le poids. Frissonnant, entouré par une poignée de militaires et gardes-frontières, il fond en larmes : «Il y avait deux autres amis avec moi dans la forêt, que leur est-il arrivé ? Je me suis évanoui.»
A peine une semaine plus tôt, visa touristique en poche, il quittait sa Syrie natale pour un aller-simple vers Minsk. De là, à l’instar de milliers de personnes originaires du Moyen-Orient ou d’Afrique en quête de lendemains meilleurs, il emprunte la «route migratoire» orchestrée depuis cet été par le régime d’Alexandre Loukachenko, vers la Pologne voisine. Contraint à s’enfoncer dans la dense forêt frontalière, le voilà maintenant piégé aux portes de l’Union européenne, pris en étau par les autorités bélarusses qui refusent toute marche arrière, et l’implacable mac