A l’occasion des «Rendez-vous de l’histoire», qui se tiennent à Blois du 4 au 8 octobre 2023, les journalistes de Libération invitent une trentaine d’historiens pour porter un autre regard sur l’actualité. Retrouvez ce numéro spécial en kiosque jeudi 5 octobre et tous les articles de cette édition dans ce dossier.
Le nom de «Lampedusa» revient fréquemment dans l’actualité. Mi-septembre, l’arrivée de près de 10 000 demandeurs d’asile a fait de cet îlot d’une vingtaine de kilomètres carrés l’un des symboles manifestes et tragiques de la «crise de l’accueil» que traverse aujourd’hui l’Europe (1). Lampedusa est désormais l’autre nom du naufrage, le nom de la frontière d’une Europe forteresse, des gardes-côtes, d’un cimetière d’épaves, et des plus de 28 000 victimes qui ont péri, depuis près d’une décennie, en tentant de traverser la Méditerranée.
Ile déserte, combat épique et utopie
Nul besoin de remonter loin dans l’histoire pour que le nom de Lampedusa soit chargé d’autres significations. Comme Maylis de Kerangal l’a évoqué dans A ce stade de la nuit (Verticales, 2014), ce nom pouvait encore faire surgir, il n’y a pas si longtemps, le visage de Burt Lancaster, héros du Guépard de Visconti (1963), adapté du roman de l’aristocrate sicilien Giuseppe Tomasi, descendant des «princes de Lampedusa». A l’époque moderne, la littérature s’est emparée de ce lieu sec et caillouteux