Lorsque l’on habite en Ukraine un certain temps, en tant qu’étranger, on doit obtenir une posvidka, un permis de séjour, qui peut être temporaire, ou bien permanent. En janvier 2020, après plus d’une décennie de reportages, une installation à Kyiv en 2014, j’ai obtenu – de haute lutte – ce petit bout de plastique, qui a fait de moi plus qu’un visiteur de passage, dans l’océan de papiers d’un bureau du service des migrations de Zaporijia.
Pour cela, il a fallu arpenter en long et en large l’artère principale de la ville, ex-avenue Lénine, devenue perspective Sobornyi, celle-là même qui a été frappée jeudi matin à l’aube par un missile russe, qui a tué 17 civils. En adoptant l’Ukraine, j’ai intégré une famille de métallos de Zaporijia. J’ai mis longtemps avant d’aimer la sixième ville d’Ukraine. «Le Détroit ukrainien», insistaient fièrement mes connaissances. «Tu te rends compte, c’est la plus longue avenue du monde», répétait mon beau-père, poussant imprudemment le moteur de sa vieille Jigouli sur les 12,8 km de la perspective Sobornyi, en direction des legos de béton de Borodinsky.
L’été à Kyrylivka
Base arrière des reportages dans le Donbass en guerre, Zaporijia m’a appris à parler russe, et non pas l’ukrainien, lors de stages de perfectionnement, bière et poisson séché inclus, sur les plages de Kyrylivka et d