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26 pays, 26 candidats

Européennes 2024 : Anna Navarro, une businesswoman parmi les indépendantistes catalans

26 pays, 26 candidatsdossier
La quinquagénaire qui a fait toute sa carrière aux Etats-Unis, au point d’être nommée «Femme de l’année» par la Silicon Valley en 2018, est mise en avant par Junts pour tempérer le séparatisme belliqueux du parti.
La candidate de la liste Junts Anna Navarro. (Capture d'écran X @annapapallona)
publié le 15 mai 2024 à 7h57

De la Pologne au Portugal, de l’Italie à l’Irlande, qu’ils soient rompus aux arcanes de Strasbourg et Bruxelles, ou complètement novices en politique : à l’approche des élections européennes, «Libé» tire le portrait d’un candidat par Etat membre de l’Union, en dehors de la France. Vingt-six pays, vingt-six personnalités, pour présenter les enjeux domestiques et les vents contraires qui soufflent sur le continent.

«La réussite professionnelle, ça consiste à étudier, à être une bonne personne et à travailler en équipe. Et pas à jouer l’imbécile !» A 56 ans, Anna Navarro en jette : c’est la «pro» par excellence et d’excellence. Mais aussi la numéro 2 sur la liste pour les européennes de Junts, la formation sécessionniste et libérale emmenée par l’ancien président catalan Carles Puigdemont qui fuit la justice espagnole en Belgique depuis sept ans. Lui, c’est un renard politique. Elle, c’est l’entrepreneuse majuscule. Cheffe exécutive de Women in Localization, élue la femme la plus influente du monde de la technologie par la revue Analytics Insight en 2020, son parcours laisse pantois. Elle a été marquée à vie, dès son enfance en Catalogne, par un entourage familial qui faisait tourner plusieurs usines.

Dès lors, rien n’allait être trop petit pour Anna Navarro. La voici qui débute en 1990 des études d’allemand à l’université Humboldt de Berlin. En 1992, elle lance sa première start-up à San Francisco. Elle dirige tour à tour des équipes d’ingénierie globale, de transformation numérique, ou de stratégie dans des boîtes américaines comme Cisco Systems, Xerox ou NetApp. En 2017, elle publie Truly Global, sorte de feuille de route vers le succès pour les grandes entreprises dans l’économie mondiale. L’année suivante, cette ardente défenseuse de la mondialisation et de l’ouverture des marchés, qui s’oppose avec véhémence au protectionnisme prôné par Donald Trump, est nommée «Femme de l’année» de la Silicon Valley.

Attachée à ses racines

Avec un tel parcours, elle pourrait faire l’effet d’un chien dans un jeu de quilles sur la liste européenne d’un parti séparatiste, certes issu de la droite libérale, mais féroce partisan d’un divorce avec Madrid. Anna Navarro a beau passer d’un avion à un autre et parler cinq langues, elle tient à ses racines. Elle vient d’Olot, ville de la Catalogne intérieure repliée sur elle-même. Dans sa famille, on ne parlait qu’en catalan. Et, à mesure qu’elle enrichissait son CV et son prestige dans la Mecque technologique, elle n’a jamais cessé de militer en faveur de la culture de sa région qu’elle voudrait Etat indépendant. Car, en creux, comme tous les dirigeants de Junts, elle aime autant sa terre qu’elle méprise l’Espagne, un boulet à ses yeux : «La Catalogne est splendide, avec des gens travailleurs, des traditions incroyables, une histoire et une culture très riches. […] Nous pourrions avoir le meilleur système de santé, les meilleures écoles, le meilleur transport public…» Si, évidemment, ils étaient indépendants.

Cette conviction idéologique explique qu’elle soit très active à Auba, une fondation basée en Suisse, qui diffuse la culture catalane de par le monde ; à Eines de País, une initiative de lutte non-violente pour le divorce avec l’Espagne ; au Capec, un organisme qui défend la pleine souveraineté fiscale pour la Catalogne. Pour la campagne de ces européennes, Anna Schegel – son mari est allemand – a troqué son nom d’épouse pour son nom de jeune fille. «Avec une voix propre et sans complexe», dit-elle d’elle-même. Avec sa candidature, Junts atténue son catéchisme séparatiste belliqueux et projette un pragmatisme qui en impose.