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26 pays, 26 candidats

Européennes 2024 : en Bulgarie, le rappeur Itzo Hazarta donne de la voix

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Le chanteur populaire, dont les tubes ont souvent accompagné les manifestations anticorruption, est entré en politique en 2021 aux côtés du jeune parti libéral Continuons le changement. Après un mandat de député, il vise désormais le Parlement européen.
Itzo Hazarta. (DR)
publié le 24 mai 2024 à 8h08

De la Pologne au Portugal, de l’Italie à l’Irlande, qu’ils soient rompus aux arcanes de Strasbourg et Bruxelles, ou complètement novices en politique : à l’approche des élections européennes, «Libé» tire le portrait d’un candidat par Etat membre de l’Union, en dehors de la France. Vingt-six pays, vingt-six personnalités, pour présenter les enjeux domestiques et les vents contraires qui soufflent sur le continent.

La voix d’Itzo Hazarta a résonné pendant des années dans les manifestations en Bulgarie. Lui-même a rarement battu le pavé, mais ses tubes aux intonations anti-establishment et anticorruption ont servi de bande-son aux grandes protestations contre le gouvernement du Gerb, le parti des Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie accusé de corruption, notamment à l’été 2020. Depuis deux ans et demi, le rappeur a remisé son look de mauvais garçon pour enfiler chemises et costumes. Il est entré en politique sous son nom de baptême, Hristo Petrov, et a été élu député pour la formation anticorruption et pro-européenne Continuons le changement. Aujourd’hui, il est candidat à un siège au Parlement européen.

«Ai-je changé quoi que ce soit avec mes chansons et mes interviews ? J’ai vraiment peur de me retourner un jour et de me rendre compte que je n’ai jamais mis en danger ma jolie vie au nom de quelque chose plus de grand et de plus important», écrivait-il sur Facebook en 2021, au moment d’annoncer qu’il rejoignait le tout jeune parti de Continuons le changement (PP). Itzo Hazarta redevenait Hristo Petrov et laissait derrière lui Upsurt, son groupe de hip-hop dont le nom évoque à dessein l’idée d’absurdité, qui trustait les devants de la scène bulgare depuis la fin des années 90. Son entrée en politique contrebalançait aussi celle de Slavi Trifonov, un autre chanteur populaire, enclin à s’afficher au volant de grosses voitures en compagnie de jolies filles mais qui s’était découvert une âme de contestataire, au point de fonder un parti politique.

Alliance baroque

A l’époque, le pari de Hristo Petrov s’est avéré gagnant. Le chanteur n’a pas le profil type des têtes d’affiche du parti, mené par des diplômés de Harvard revenus au pays pour secouer le système clientéliste, mais il partage avec eux de fortes positions anticorruption qui leur tiennent lieu de colonne vertébrale commune. En 2021, Continuons le changement a gagné les élections, formé un gouvernement de coalition, et Hristo Petrov est entré au Parlement, où il s’est surtout battu pour améliorer le sort des enfants placés en foyers.

Deux ans et demi plus tard, le parti est dans le dur. L’instabilité politique mine toujours la Bulgarie, qui s’avance vers ses sixièmes législatives en trois ans. Pour sauver l’orientation européenne du pays, menacée par les exécutifs intérimaires nommés par un président pro russe, Continuons le changement a accepté de gouverner pendant quelques mois avec le Gerb, un parti qui incarne la corruption aux yeux de nombreux Bulgares. Leur alliance baroque, scellée officiellement pour faire avancer le pays vers l’espace Schengen et la zone euro, n’a tenu que neuf mois avant de s’effondrer en avril. Le PP en a payé le prix dans les sondages, passant de 26 % en février 2023 à 17 % aujourd’hui.

Hristo Petrov n’a pas quitté le navire pour autant. Il figure en sixième place dans la liste du parti pour les Européennes, en position non éligible, à moins que les électeurs ne décident de le faire remonter par le vote préférentiel. A 43 ans, il arbore le même visage rond et les mêmes cheveux ras que dans les clips de sa jeunesse. Dans son manifeste électoral, il promet de continuer à se battre pour les enfants défavorisés. «J’ai organisé et financé des camps en mer pour des centaines d’enfants des foyers, mais la vérité est que tous nos enfants méritent d’avoir la possibilité de participer à des camps éducatifs en Europe – avec du sport, des cours de langue ou d’art. Mon objectif en tant que député européen sera de créer un programme garantissant qu’ils soient financés par l’Union européenne.»