Menu
Libération
26 pays, 26 candidats

Européennes 2024 : en Suède, Evin Incir aspire à une Europe progressiste

26 pays, 26 candidatsdossier
Dans la dernière place forte européenne de la social-démocratie, la candidate de gauche, arrivée en Suède à six ans après que sa famille a fui le Kurdistan, veut poursuivre les combats de son premier mandat : lutte contre les violences faites aux femmes et solidarité.
Evin Incir lors d'une session plénière au Parlement européen, le 21 janvier 2021. ( Martin Bertrand/Hans Lucas via AFP)
par Nicolas Lee, correspondant à Stockholm
publié le 28 mai 2024 à 8h41

De la Pologne au Portugal, de l’Italie à l’Irlande, qu’ils soient rompus aux arcanes de Strasbourg et Bruxelles, ou complètement novices en politique : à l’approche des élections européennes, Libé tire le portrait d’un candidat par Etat membre de l’Union, en dehors de la France. Vingt-six pays, vingt-six personnalités, pour présenter les enjeux domestiques et les vents contraires qui soufflent sur le continent.

Elle achève son premier mandat par une récompense : celle de «championne des valeurs européennes», un prix attribué pour ses cinq ans au Parlement européen par le magazine spécialisé The Parliament. Evin Incir, du parti social-démocrate suédois, a été corapporteuse de la première loi européenne pour combattre les violences à l’encontre des femmes, votée en début d’année. L’eurodéputée de 39 ans peut se prévaloir de ses réussites. Le texte historique prévoit le renforcement des lois contre la cyberviolence, un meilleur soutien aux victimes et l’adoption de mesures préventives contre le viol. Une directive qu’elle qualifiait, à l’issue du vote, de «victoire pour la justice et l’égalité pour l’ensemble de l’UE».

Le travail paie puisque celle qui était cinquième sur la liste du premier parti de Suède, en 2019, occupe aujourd’hui la troisième position derrière le duo de tête de liste pour les prochaines élections. Les questions internationales et de libertés civiles – commission dans laquelle elle a siégé lors de son mandat – reflètent selon elle son parcours. «Ma famille est arrivée en Suède depuis le Kurdistan [turc], avec le statut de réfugiés politiques quand j’avais six ans, retrace-t-elle. Dès mon plus jeune âge, j’ai toujours perçu des dysfonctionnements dans la société suédoise.»

Elle s’engage d’abord «un peu par hasard» auprès des jeunesses sociales-démocrates, un parti qu’elle ne quittera plus par la suite. A 22 ans, elle est élue au conseil municipal de Göteborg où elle se confronte à «un milieu dominé par les hommes blancs et quinquagénaires». C’est toujours avec les mêmes convictions qu’elle souhaite poursuivre son travail au Parlement européen. «Etre députée m’a permis d’agir pour plus de diversité, et d’avoir un réel impact sur la vie des citoyens européens», affirme-t-elle.

Indifférence des Suédois face à l’UE

A l’issue des dernières élections générales en 2022, les Démocrates de Suède (extrême droite) s’affirmaient comme la deuxième force politique du pays. Face à la vague brune qui menace le continent à l’approche du scrutin européen du 9 juin, la députée brandit les valeurs des sociaux-démocrates pour endiguer le ressac nationaliste. «Nous devons affirmer un discours progressiste, social et de solidarité internationale. Les partis comme les Démocrates de Suède blâment l’immigration alors que c’est la progression des inégalités sociales contre laquelle nous devons lutter.» Elle ajoute : «C’est pour cette raison que je suis sociale-démocrate et pas libérale.» Une recette qui semble fonctionner puisque les sondages donnent son parti largement en tête des intentions de vote dans le pays.

Mais le projet européen peine à toucher le cœur des Suédois, qui se réfèrent à l’Europe comme «le continent». En septembre 2023, la ministre des Affaires européennes tirait la sonnette d’alarme face aux difficultés de recrutement de fonctionnaires européens suédois et le risque pour le pays de perdre ainsi son influence politique à Bruxelles. Evin Incir, quant à elle, exhorte les Suédois à s’investir dans le projet européen : «Nous sommes un petit pays comparé à la France ou à l’Allemagne, mais nous devons penser en Européens. D’un côté, nous avons la menace du retour de Donald Trump et à l’Est, Poutine et sa guerre contre l’Ukraine. Seule l’Union européenne nous permet de faire face à ces enjeux.»