Le concours de chant se veut au-delà de toute considération politique, c’est encore raté. Des milliers de personnes ont manifesté jeudi 9 mai contre la participation d’Israël au concours de chanson en pleine guerre à Gaza. Le pays s’est qualifié pour la finale, qui se tient samedi 11 mai à Malmö, en Suède. L’artiste israélienne Eden Golan, 20 ans, a décroché son ticket jeudi soir avec la chanson Hurricane, dont la version initiale avait dû être modifiée car elle faisait allusion à l’attaque terroriste du groupe islamiste Hamas qui a ensanglanté son pays le 7 octobre.
Israël intègre ainsi le groupe de 26 pays qui s’affronteront samedi pour succéder à la Suède comme lauréate de cette compétition suivie par plusieurs dizaines de millions de téléspectateurs chaque année. L’Etat hébreu participe depuis 1973 à l’Eurovision, qu’il a remporté pour la quatrième fois en 2018. Vendredi, le pays fait figure de deuxième favori pour la victoire finale, derrière la Croatie et devant la Suisse, selon le comparateur de sites de paris en ligne Oddschecker.com. Avant la demi-finale, le Premier ministre israélien avait déclaré que la candidate de son pays avait «déjà gagné». «Non seulement vous participez fièrement et de manière admirable à l’Eurovision, mais vous affrontez avec succès une horrible vague d’antisémitisme», a lancé Benyamin Nétanyahou dans un message vidéo adressé à la chanteuse.
Chronologie
Mais cette participation a entraîné jeudi une manifestation de 12 000 personnes dans la ville hôte, qui ont exprimé leur indignation face à la guerre à Gaza. Un nouveau rassemblement est prévu samedi. Néanmoins, Hurricane a été interprétée sans accroc ni interruption jeudi soir par Eden Golan devant les 9 000 spectateurs de la Malmö Arena, exaltés par la compétition. A l’intérieur de la salle, l’Union européenne de radiotélévision (UER), qui chapeaute le concours, a comme à l’accoutumée interdit tout drapeau autre que ceux des participants et toute bannière à message politique. La sécurité a par ailleurs été renforcée, tant dans la Malmö Arena que dans le reste de cette ville du sud de la Suède, où vit la plus importante communauté d’origine palestinienne du pays et où les drapeaux palestiniens côtoient les fanions aux couleurs acidulées. Des renforts policiers sont ainsi venus de toute la Suède, mais aussi du Danemark et de la Norvège pour sécuriser le concours.
L’an dernier, l’UER avait interdit au président ukrainien Volodymyr Zelensky de s’exprimer lors du concours. Cette année, le conflit en Ukraine a été éclipsé par la guerre à Gaza.
«Démonstration de la tolérance européenne»
La neutralité du télécrochet a été bousculée une première fois mardi, lors de la première demi-finale, par le chanteur suédois Eric Saade, qui portait un keffieh palestinien autour du bras. Un geste regretté par l’UER et par la télévision publique suédoise SVT, qui revendiquent le caractère apolitique de ce rendez-vous populaire. «Il doit y avoir des manifestations, les gens doivent exprimer leurs opinions, les gens doivent boycotter», a également défendu Magnus Børmark, candidat pour la Norvège avec son groupe Gåte, qui, comme huit autres participants, a publiquement appelé à un cessez-le-feu durable. Si certains représentants de pays avaient envisagé de boycotter le concours pour protester contre la présence d’Israël, ils n’ont finalement pas donné suite.
Analyse
Pour les fans – la ville attend jusqu’à 100 000 visiteurs samedi –, «c’est ce qui est sur scène qui est important : les contributions, les artistes et la musique, et non la politique», estime le professeur d’histoire des idées Andreas Önnerfors, spécialiste de l’Eurovision. Presque septuagénaire, ce concours qui a été suivi en 2023 par 162 millions de téléspectateurs est «une démonstration de la tolérance européenne que l’on ne trouve pas sous d’autres formes ni dans d’autres lieux», souligne-t-il.
Au sein de la communauté juive de Malmö, certains comptent néanmoins quitter la ville pour le week-end. «Avec l’Eurovision, il y a comme une intensification. Le sentiment d’insécurité s’est accru après le 7 octobre, de nombreux juifs sont inquiets», a expliqué un porte-parole, Fredrik Sieradzki. D’après lui, les nombreuses manifestations propalestiniennes n’ont toutefois pas donné lieu à des appels visant les juifs de la ville. La sécurité autour de la synagogue a tout de même été renforcée.