«Une seconde, je dois monter dans l’avion», textote Richard Stone à Libération avant de reprendre le récit de ses péripéties. Ce Britannique s’apprête à quitter Rodes en Grèce avec sa femme et ses deux enfants, ce lundi 24 juillet vers 4 heures du matin. Un soulagement, tant les deux journées qui viennent de s’écouler s’apparentaient à un périple interminable. Tous n’ont pas eu cette chance. Depuis l’annonce de «la plus grande opération d’évacuation jamais effectuée» dans le pays, samedi, en raison des violents incendies qui font rage sur l’île du Dodécanèse, des centaines de touristes attendent encore d’être rapatriés.
Reportage
C’est le cas de Caroline (1), contrainte d’élire domicile à l’aéroport depuis deux jours avec son mari, ses deux filles et d’autres membres de sa famille. Cette responsable en communication a dû se construire un matelas de fortune fait de sacs-poubelle et de serviettes. «C’est juste horrible, nous sommes épuisés. L’Etat français ne fait rien pour nous rapatrier» peste celle qui était venue fêter l’anniversaire de sa sœur. La délégation arrivée de Paris ne prend même pas la peine nous fournir des produits d’hygiène élémentaires, il n’y a aucun soutien psychologique. Et que dire du tour-opérateur qui voulait nous faire payer notre billet d’avion !» La famille devrait finalement décoller dans la soirée passer par la Crête avant d’atterrir demain à Paris. «On est en mode survie», assure-t-elle d’une voix lasse.
Enorme nuage de fumée
Une infortune climatique vécue par plus de 30 000 personnes, habitants ou touristes contraints de quitter fissa leur logement ou hôtel menacés par les flammes. Un premier feu s’est déclaré il y a une semaine dans une montagne du sud de l’île très fréquentée en période estivale. Et ce, alors que le pays connaît l’une des plus longues canicules de ces dernières années. De puissantes rafales de vent ont attisé les flammes, qui se sont rapidement déportées vers les zones touristiques.
Tous se souviennent du moment où ils ont reçu la notification d’avertissement du gouvernement grec sur leur téléphone. «Nous faisions alors une balade en voiture. Mon fils avait déjà remarqué un épais nuage de fumée, raconte Richard Stone. Quelques secondes plus tard, nous avons vu les flammes franchir la colline. Ne sachant que faire, nous nous sommes retrouvés dans un hôtel géré par le même tour-opérateur.» «Le personnel commençait à paniquer à la réception. On s’est dit que quelque chose était en train de se passer, se rappelle Caroline. On a été évacués et on nous a demandé de nous diriger vers la plage.» La zone en sécurité la plus proche se trouve à 7 kilomètres. Les services de transport publics réquisitionnés pour l’occasion ne peuvent récupérer l’ensemble des vacanciers. L’excursion se fera donc à pied, sous plus de 40°C. Une véritable épreuve notamment pour les enfants et les personnes âgées. D’autant qu’un énorme nuage de fumée menace les marcheurs. Certains en abandonnent leurs valises pour alléger leur trajet.
Les touristes tiennent, toutefois, à remercier les habitants de l’île. «Le comportement des locaux a été incroyable, loue la quadragénaire. Nous pouvions nous servir dans les restaurants en chemin. Surtout, des particuliers sont venus nous récupérer avec leur voiture en cours de route pour nous déposer dans un gymnase.» Centres sportifs, salle de conférences, cinémas climatisés et autres écoles ont été transformés en refuges.
«L’élan de solidarité est incroyable !»
Sophie Samophrakis est professeure de français à Rhodes, capitale de l’île. Cette Franco-Grecque se mobilise depuis samedi pour accueillir au mieux les réfugiés. D’abord dans un gymnase puis dans l’école où elle enseigne. «Nous avons appris la catastrophe sur les réseaux sociaux car notre ville n’a pas été touchée, explique la quinquagénaire. A partir de là, on a réussi à s’organiser grâce au bouche à oreille, aux associations, Internet…»
Rassurer les nouveaux arrivants, les approvisionner en nourriture et en eau, leur fournir des sacs de couchage, vêtements et autres produits hygiéniques : telles sont les multiples tâches qui incombent aux bénévoles. «On dort très peu depuis samedi mais cela ne nous décourage pas pour autant, confie la quinquagénaire. On doit même chasser les volontaires pour qu’ils aillent se reposer. L’élan de solidarité est incroyable !» Pas question pour la professeure de tirer la leçon de la catastrophe climatique : «On cicatrisera nos plaies plus tard… quand le dernier touriste sera en sécurité chez lui.»
(1) Le prénom a été modifié.