D’un côté, les vivants : photographiés de face, debout, en portrait vertical. Parfois dans un champ, alignés à genoux, les mains sur la tête. De l’autre, des papiers d’identité : des passeports, des cartes, des patchs de l’armée, et même des certificats de vaccination contre le Covid. Deux lettres d’amour dessinées, aussi. «Je ne te laisserai à personne», promet l’une d’elles, deux chats s’enlacent sur le papier au milieu de cœurs rouges. Et puis, il y a les morts. Des corps carbonisés «non identifiés». Des têtes tuméfiées, ensanglantées. Des nez enfoncés et des jambes à l’envers. Beaucoup de soldats qu’on devine simplement à leurs treillis, sans qu’on distingue leurs visages. Ils ne sont parfois pas entiers. Jetés dans des fosses communes, alignés au sol, ou juste laissés là, sur l’asphalte, dans les débris.
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Chaque jour, des dizaines de photos et de vidéos en provenance d’Ukraine sont ajoutées, pêle-mêle, sur le canal de la messagerie Telegram appelé «Cherche les tiens» (en russe), à laquelle 650 000 personnes sont abonnées. Le titre est une adresse aux familles des soldats russes déployés sur le territoire ukrainien. Face à cette guerre invisible – Moscou parle toujours d’«opérations spéciales» et a interdit l’usage du mot «guerre» aux médias –, Kyiv (Kiev) a répondu par une surmédiatisation