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Débordements

Explosion de missiles en Pologne : Moscou nie et parle de provocations

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Le Kremlin, avant même que les responsabilités des explosions en Pologne qui ont causé la mort de deux personnes soient formellement établies, a démenti toute frappe vers la Pologne et a immédiatement dénoncé une «provocation délibérée» de Kyiv.
Vladimir Poutine le 9 novembre à Moscou. (Sergey Bobylev/Sputnik/REUTERS)
publié le 16 novembre 2022 à 8h27

«Aucune frappe n’a été effectuée contre des cibles près de la frontière ukraino-polonaise par des moyens de destruction russes.» Mardi soir, le ministère russe des Affaires étrangères s’est contenté d’un communiqué laconique pour commenter l’explosion d’un ou de plusieurs missiles sur le territoire polonais quelques heures plus tôt. Comme toujours, que ce soit la vérité ou non, les autorités russes nient en bloc. Lors de la publication de ce télégramme, le ministère s’est voulu plus catégorique que les Polonais eux-mêmes, qui ont annoncé poursuivre leur enquête pour établir les circonstances des explosions. «Les images de fragments publiés par des médias polonais depuis le village de Przewoduv n’ont rien à voir avec des armes russes», ont affirmé les militaires, qui sont allés jusqu’à accuser la Pologne d’être à l’origine «d’une provocation délibérée visant à aggraver la situation». Mercredi matin, le président américain, Joe Biden, jugeait lui «improbable» que le missile qui a frappé la Pologne ait été lancé depuis la Russie.

Sur les tchats «Telegram» des «pro-z» – ces blogueurs russes militant pour une invasion de l’Ukraine, parfois depuis la ligne de front – les messages se sont vite multipliés pour accuser l’Ukraine de ce tir. «Allons, il n’y aura pas de guerre avec l’Otan. Les photos montrent un morceau de missile S-300. Des crétins ukrainiens ont tué deux Polaks», a notamment publié le compte Telegram populaire «Ecrits d’un vétéran». Tous ces comptes ont affirmé en chœur dès mardi que ce tir ne pouvait venir que d’un système de défense antiaérien ukrainien S-300. Un système par ailleurs également utilisé par la Russie. Certains de ces comptes, chauffés à blanc par une haine envers le Royaume-Uni, une conséquence de son fort soutien à l’Ukraine, ont également tourné au complotisme en accusant Londres d’être à l’origine de ces tirs…

Perplexité

Comme d’habitude, c’est la rédactrice en chef de RT (Russia Today), Margarita Simonian, propagandiste en chef du Kremlin, qui s’est empressée de mettre les pieds dans le plat. Celle qui rêve d’une confrontation directe entre l’Ouest et la Russie n’a une nouvelle fois pas caché son excitation. «La Pologne a donc sa propre région de Belgorod, à quoi vous attendiez-vous ?» a-t-elle d’abord écrit sur Twitter, faisant référence aux nombreux tirs d’artillerie à l’origine inconnue, certainement ukrainienne, qui finissent régulièrement sur le territoire russe, dans la région de Belgorod. Avant d’ironiser : «S’il ne s’agit pas d’une provocation planifiée, alors il s’agit d’une bonne nouvelle. Cela veut dire qu’un pays de l’Otan est tellement mal défendu qu’il pourrait être accidentellement touché par n’importe qui avec n’importe quoi, sans que quiconque au sein de l’Otan ne puisse même établir qui a frappé et pourquoi.» Et de conclure sa diatribe par un «Bonsoir l’année 1962», une référence, cette fois-ci, à la crise des missiles de Cuba, qui avait opposé Union soviétique et Etats-Unis cette année-là. De nombreux internautes se sont ensuite empressés de répondre «Bientôt 1917 !», voyant en cette nouvelle dégradation de la situation le symbole d’un «début de la fin» pour le Kremlin…

Quelques heures après l’incident, le politologue habitué des médias d’opposition russe, Vladimir Pastukhov, se montrait perplexe : «Si les missiles russes ont exactement la précision que la Russie vante régulièrement, alors ce qui s’est passé est une attaque contre un pays de l’Otan avec toutes les conséquences qui en découlent. Si les missiles russes ont manqué leur cible, alors toutes les affirmations précédentes selon lesquelles la Russie utilise des armes “ultra-précises” pour attaquer l’infrastructure civile de l’Ukraine ne valent rien. Finalement, cette situation ressemble à une provocation délibérée, déguisée en accident : un test de faiblesse».