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Libération
Vu de Moscou

Covid: face à la flambée des contaminations, vacances pour tous les Moscovites !

Le maire de la capitale, Sergueï Sobianine, a décrété une semaine chômée du 12 au 20 juin pour endiguer la propagation de coronaviru.
Ces mesures sont prises en réaction à un fort pic de contaminations au Covid dans la capitale qui, avec 7 700 nouveaux cas quotidiens selon les statistiques officielles, renoue avec des chiffres encore jamais atteints en 2021. (Shamil Zhumatov/Reuters)
par Léo Vidal-Giraud, à Moscou
publié le 14 juin 2021 à 18h55

Au parc Gorki, en plein centre de Moscou, c’est l’affluence des grands jours ce lundi, celle des dernières heures d’un week-end rallongé de fête nationale. Des familles, des jeunes, des vieux, des couples, des groupes d’amis, des militaires en goguette sortis faire admirer leur uniforme à la cantonade. Les Moscovites profitent d’un radieux soleil d’été. C’est pourtant censé être strictement interdit. Le 12 juin, le maire de Moscou a décrété par ordonnance une semaine de congé pour toutes les entreprises non essentielles, et l’interdiction d’utiliser les parcs, les aires de jeux et les bancs publics sous peine d’une amende de 4 000 roubles (une quarantaine d’euros). Les food-courts seront fermés mais pas les cafés, les bars et les restaurants qui ne pourront plus servir les clients entre 23 heures et 6 heures du matin.

Ces mesures sont prises en réaction à un fort pic de contaminations au Covid dans la capitale qui, avec 7 700 nouveaux cas quotidiens selon les statistiques officielles, renoue avec des chiffres encore jamais atteints en 2021. A Saint-Pétersbourg également, qui accueille l’Euro de football, la situation sanitaire se dégrade. Des témoignages recueillis par le média local indépendant Fontanka font état d’hôpitaux au bord de la saturation et de malades forcés d’attendre pendant des heures l’arrivée d’une ambulance.

Constat d’échec

Mais ni à Moscou, ni à Saint-Pétersbourg, on a décrété de nouveau confinement. En théorie, les maires et les gouverneurs sont pourtant libres de prendre les mesures leur paraissant les plus adaptées à la situation de leur région. Certains ont introduit des quarantaines obligatoires pour les voyageurs venus d’autres régions de Russie, mais rien de plus. Dans les faits, la décision de reconfiner, pratiquement un an jour pour jour après le premier confinement, ne peut venir que d’en haut, c’est-à-dire du Kremlin. Mais rien ne vient : manifestement, la volonté politique n’y est pas. Pour éviter l’impact économique d’un confinement strict, alors que l’économie russe stagne et que la majorité de la population vit sans épargne, sans doute ; mais surtout, pour ne pas prendre des mesures qui sonneraient comme un terrible constat d’échec pour le pouvoir russe.

Depuis l’été 2020, le coronavirus a disparu du paysage politique et médiatique russe. Alors que l’Europe se débattait de reconfinements en couvre-feux, la Russie vivait «normalement», sans la moindre restriction. Le mot d’ordre officiel était simple : «Nous avons vaincu le Covid-19». Sauf que le slogan n’a jamais été vrai. La Russie n’avait pas vaincu le virus, elle avait fait le choix de l’ignorer, poussant à l’extrême la stratégie du «vivre avec», au prix de plus de 400 000 morts. Un choix qui n’est pas uniquement le résultat d’une manipulation du gouvernement : s’ils ne sont pas mis en avant par les médias, ces chiffres sont toutefois publics, pour qui veut les connaître. Mais la population, elle aussi, a décidé de continuer de vivre comme si de rien n’était.

Voiture neuve

L’approche avait ses avantages. Aujourd’hui, elle montre ses limites. Prendre des mesures fortes au niveau national reviendrait, pour le Kremlin, à admettre l’échec de sa stratégie. Quant aux mesures plus souples mises en œuvre au niveau régional, la population russe les ignore. Plus personne ne respecte depuis longtemps les gestes barrière, et même le port du masque se fait rare malgré les annonces répétées de la police de Moscou qui promet sans cesse de renforcer ses contrôles… Mais comment verbaliser 14 millions de contrevenants ?

La vaccination, seule sortie par le haut de cette impasse, patine toujours faute de volontaires malgré des incitations toujours plus nombreuses. Cette semaine, le maire de Moscou Sergueï Sobianine a annoncé s’être fait vacciner une seconde fois et son administration a lancé une loterie : tout vacciné a une chance de gagner une voiture neuve. Mais sur fond de défiance envers les autorités, seulement 14 % de la population russe a reçu à ce jour une dose de Spoutnik V.

Dans ces conditions, de plus en plus d’analystes en viennent à envisager une sortie du Covid par l’immunité collective naturelle. Il faudra encore, pour cela, des millions de contaminations et des dizaines de milliers de morts. En espérant que n’apparaîtra pas entretemps de variant russe qui viendrait remettre à zéro les compteurs de l’immunité collective.