Soigneusement rangée dans un coin de son appartement en plein centre de Varsovie, voilà près d’un an que l’étoffe noire et mauve d’Igor Tuleya n’attend que d’être enfilée de nouveau. Si cela ne tenait qu’à lui, le juge aurait remis sa robe et repris le travail au tribunal du district de Varsovie depuis longtemps. «Je savais que ma profession de juge avait toujours joué un rôle important dans ma vie, sauf que je ne savais pas que c’était à ce point-là. Je me souviens de ces réveillons du nouvel an dans mon bureau à travailler», se remémore le quinquagénaire aux lunettes noires rectangulaires.
Mais depuis un peu plus d’un an, le juge Tuleya a comme «perdu une part de [s]on identité». En novembre 2020, il a été relevé de ses fonctions et son immunité judiciaire a été levée. Ainsi en a décidé la chambre disciplinaire de la Cour suprême polonaise, une instance accusée de museler les magistrats dénonçant les atteintes à la séparation des pouvoirs. C’est la majorité national-conservatrice du parti Droit et Justice (PiS), au pouvoir en Pologne, qui l’a mise sur pied, il y a quatre ans.
Pegasus
Le présumé méfait d’Igor Tuleya ? Avoir ouvert à la presse en 2018 – et ce alors que la loi l’autorise – une audience sur un houleux vote du budget polonais. «Tout cela a un caractère politique», déplore le juge de 51 ans. Son appartement se situe à quelques encablures du tribunal où il travaillait. Depuis sa suspension, il essaie de l’éviter autant qu’il peut. Par chance, aucune de