Les Allemands n’élisent pas, ce dimanche, le successeur de Merkel mais leurs députés du Bundestag (équivalent de l’Assemblée nationale). Le résultat de ce scrutin à un tour ne permettra donc pas de connaître immédiatement le nom du prochain chancelier ou de la prochaine chancelière, qui dépendra des négociations de coalition. Le vote est pour partie proportionnel et pour partie majoritaire. Les électeurs allemands donnent une voix pour le député de leur choix dans leur circonscription (majoritaire) et une voie pour un parti politique (liste).
Les premières estimations seront connues à 18 heures, juste après la fermeture des bureaux de vote. En général, elles sont suffisamment précises pour désigner le vainqueur, mais la course paraît cette fois tellement serrée qu’il faudra sans doute attendre la fin du dépouillement pour obtenir un classement. Le travail des sondeurs est d’autant plus difficile que, à une semaine du scrutin, 40 % des électeurs sont toujours indécis.
La campagne a connu un retournement de situation, fin août, lorsque Olaf Scholz, le candidat des sociaux-démocrates (SPD), est passé tout à coup en tête des sondages. Donné perdant en début de course, le ministre des Finances a profité des erreurs de ses deux principaux adversaires. Le conservateur Armin Laschet, d’abord, qui imaginait sans doute arriver à Berlin en train-couchettes. En plus d’une campagne désastreuse en termes de contenus, il a commis une série d’impairs dont un fou rire lors d’un hommage aux victimes des inondations de juillet en Rhénanie. Les conservateurs étaient à 36 % dans les sondages début janvier, ils sont tombés sous la barre des 20 % début septembre. Quant à l’écologiste Annalena Baerbock, elle a démontré qu’elle n’avait pas encore la carrure d’une chancelière. En oubliant de déclarer des revenus annexes, en enjolivant son CV et en reconnaissant des plagiats dans son livre de campagne, elle a également gâché le crédit des Verts dans cette campagne.
Coalition compliquée
Selon les derniers sondages, le SPD bénéficie actuellement d’une légère avance (entre 25 et 27 %) sur les conservateurs de la CDU-CSU (entre 20 et 25 %). Les écologistes, donnés vainqueurs au printemps après la nomination de leur candidate, sont crédités de 15 à 17 % (contre 27 % fin avril). Les trois autres formations qui devraient entrer au Parlement sont les libéraux du FDP (crédités de 10 à 13 %), l’extrême droite (AfD, 11 à 12 %) et la gauche radicale (Die Linke, 6 à 8 %). Ils doivent impérativement passer la barre des 5 % pour accéder à l’Assemblée.
Selon Nico A. Siegel, directeur de l’institut de sondage Infratest Dimap, la participation devrait être au moins aussi importante qu’en 2017 (76,2 %). Quant au vote par correspondance, la barre des 50 % – un record – pourrait être dépassée à ce scrutin. La procédure profite en général aux écologistes et aux conservateurs. Dans ce contexte, le jeu des coalitions risque d’être très compliqué. A part l’extrême droite, avec laquelle personne ne souhaite discuter, tous les partis comptent participer au prochain gouvernement.
«La CDU est le symbole du marasme»
Les sociaux-démocrates et les écologistes (Die Grünen), dont les programmes convergent, ont confirmé leur volonté de gouverner ensemble. Même si les jeux sont loin d’être faits, cette alliance – celle du changement – semble actuellement la plus probable. «Ce n’est un secret pour personne, ma préférence va à un gouvernement avec les Verts», a déclaré Olaf Scholz au dernier grand débat télévisé, dimanche. Une avance que la candidate verte, Annalena Baerbock, n’a pas repoussée : «Je pense qu’il est important que les conservateurs rejoignent les bancs de l’opposition. La CDU est le symbole du marasme pour notre pays.» Au début de l’année, les écologistes pensaient pourtant pouvoir former un gouvernement avec les conservateurs.
Mais les deux formations de gauche seront sans doute trop faibles pour gouverner seules. Elles auront besoin d’un troisième allié pour obtenir une majorité au Bundestag (trois partis au gouvernement fédéral, une première en Allemagne). Ils auront le choix entre les libéraux ou la gauche radicale. Que ce soit avec les premiers, opposés à des augmentations d’impôt pour les riches, ou les seconds, favorables à une sortie de l’Otan, le prochain gouvernement risque d’être beaucoup plus instable que les quatre précédents d’Angela Merkel.
En attendant, la chancelière sortante se contentera de gérer les affaires courantes jusqu’à l’élection de son successeur au Bundestag. Si elle restait en poste jusqu’au 17 décembre, Angela Merkel pourrait alors battre le record de longévité d’Helmut Kohl.
Mise à jour : article republié samedi 25 septembre à la veille des élections fédérales allemandes