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Justice

Féminicide de Giulia Cecchettin : le procès du meurtre qui a bouleversé l’Italie s’ouvre ce lundi

Un jeune homme est jugé à partir de ce lundi 23 septembre à Venise pour le meurtre de son ex-petite amie en novembre 2023. Le drame avait engendré une vague de soulèvements contre les violences patriarcales.
Une photographie de Giulia Cecchettin, sur un mur à Pozzuoli, le 6 décembre 2023. (Eliano Imperato/Controluce via AFP)
publié le 23 septembre 2024 à 11h17
(mis à jour le 23 septembre 2024 à 14h45)

Elle voulait rompre, mais il a refusé et l’a assassinée. «Je lui ai donné, je ne sais pas, environ 10, 12, 13, je ne sais pas, plusieurs coups de couteau», racontait Filippo Turetta lors de son audition en décembre dernier. L’homme de 22 ans est jugé ce lundi 23 septembre à Venise pour le meurtre de son ex-compagne, Giulia Cecchettin, survenu le 11 novembre 2023. , il encourt la prison à vie pour assassinat et enlèvement.

C’est dans une voiture que la jeune femme de 22 ans, étudiante en génie biomédical à l’université de Padoue sur le point d’être diplômée, avait annoncé à son compagnon qu’elle souhaitait mettre un terme à leur relation. La suite des événements a été captée par des caméras de vidéosurveillance : alors qu’elle tente de s’enfuir, elle est rattrapée par l’homme, qui la poignarde d’abord au bras, avant de la ramener dans le véhicule et de s’enfuir.

C’est ainsi que débute une chasse à l’homme terrifiante, suivie par les médias italiens durant plusieurs jours. La jeune femme est portée disparue le 11 novembre. Son corps est retrouvé une semaine plus tard, dans un ravin près du lac Barcis, à environ 120 kilomètres au nord de Venise. L’autopsie dénombre plus de 70 coups de couteau sur la tête et le cou de Giulia Cecchettin.

Filippo Turetta, à court d’essence, est arrêté dans sa fuite près de Leipzig, en Allemagne. Dans des extraits vidéo de son audition par un juge le 1er décembre 2023, diffusés la semaine dernière dans l’émission Quarto Grado de Channel 4, il déclare : «Je suis responsable, je suis coupable. Je suis responsable de ces actes, oui.»

«120 femmes assassinées»

Ce meurtre avait jeté un éclairage sinistre sur les féminicides en Italie, où la grande majorité des victimes sont tuées par leur partenaire actuel ou ancien. Selon les statistiques officielles, une femme est tuée tous les trois jours dans ce pays majoritairement catholique où les violences sexistes et sexuelles sont souvent minimisées. Selon le ministère de l’Intérieur, 120 femmes ont été assassinées en Italie l’année dernière, dont 97 par des membres de leur famille ou par leur partenaire actuel ou ancien.

Suite au féminicide de Giulia Cecchetti, de nombreuses manifestations ont été organisées sous l’impulsion de la famille de la victime, qui avait appelé à ce que l’on «brûle tout» plutôt qu’à observer la minute de silence décrétée par Giorgia Meloni. Sa sœur, Elena, avait déclaré dans le quotidien Il Corriere della Sera au sujet de ces auteurs de violences et de féminicides qu’ils «ne sont pas malades, ce sont des enfants sains du patriarcat, de la culture du viol», ajoutant que celle-ci «légitime tous les comportements portant atteinte à l’image de la femme».

Lors des funérailles de Giulia Cecchettin à Padoue, son père Gino avait demandé que la mort de sa fille soit un «tournant pour mettre fin au terrible fléau de la violence à l’égard des femmes», appelant à «remettre en question la culture qui tend à minimiser la violence des hommes».

Les violences de genre en procès

Dans le sillage de ce soulèvement féministe, le Parlement italien avait adopté un ensemble de projets de loi visant à renforcer l’arsenal existant en matière de protection des femmes. Mais les associations affirment que le changement exige beaucoup plus, à commencer par l’enseignement obligatoire de ce sujet dans les écoles. Selon un rapport gouvernemental de juillet 2021, «dans certaines régions, jusqu’à 50 % des hommes estiment que la violence est acceptable dans le cadre de relations».

Certaines associations militantes ont d’ailleurs souhaité se porter parties civiles lors de ce procès, mais l’avocat de la défense, Giovanni Caruso s’y est opposé, arguant que «Turetta mérite une peine, pas un procès médiatique», et qu’«il ne doit pas devenir le visage d’une bataille culturelle contre la violence de genre». Le procureur a également déclaré qu’il ne s’agit pas d’un «procès du féminicide» mais de «celui de Filippo Turetta».

Le meurtre de Giulia Cecchettin fait écho au film Il reste encore demain, de Paola Cortellesi, qui avait connu un succès phénoménal à sa sortie en 2023. Il évoquait de façon poignante les violences conjugales et le combat des femmes pour leur émancipation dans l’après-guerre. Tourné en noir et blanc, ce drame historique avait attiré près de 4,4 millions de spectateurs, devenant le film le plus vu de l’année, devant Barbie.

Mise à jour le 23 septembre à 14h45 avec les propos de l’avocat de la défense