Pour contenir les violences en cours au Kosovo, l’Otan annonce ce mardi 30 mai le déploiement de forces supplémentaires dans le pays, après des heurts ayant fait une trentaine de blessés parmi des soldats internationaux. «Le déploiement de forces supplémentaires de l’Otan au Kosovo est une mesure de prudence pour s’assurer que la KFOR [la force internationale emmenée par l’Otan au Kosovo, ndlr] dispose des capacités dont elle a besoin pour maintenir la sécurité conformément au mandat qui nous a été confié par le Conseil de sécurité de l’ONU», a déclaré l’amiral Stuart B. Munsch dans un communiqué.
Mardi matin, des manifestants serbes ont de nouveau afflué devant la mairie de la ville de Zvecan, petite localité du nord du pays. Des soldats en tenue anti-émeutes de la KFOR ont placé une barrière métallique autour de la mairie pour empêcher plusieurs centaines de Serbes d’y accéder. Trois véhicules blindés de la KFOR ont également été déployés pour éviter des violences. Car la veille, le rassemblement organisé par les protestataires Serbes a dégénéré. Une trentaine de membres de la KFOR ont été blessés dans des affrontements avec des manifestants qui réclament le départ de maires albanais.
Reportage
Depuis quelques jours, la situation est une nouvelle fois très tendue dans le nord du Kosovo, où de nombreux membres de la communauté serbe majoritaire dans quatre villes de cette région ne reconnaissent par l’autorité de Pristina et sont fidèles à Belgrade. Les Serbes ont boycotté les municipales d’avril dans ces localités, ce qui a abouti à l’élection de maires albanais avec une participation de moins de 3,5 %.
Ces élus ont été intronisés la semaine dernière par le gouvernement d’Albin Kurti, le Premier ministre de ce territoire en très large majorité peuplé d’Albanais, faisant fi des appels à l’apaisement lancés par l’Union européenne et les Etats-Unis.
Cocktails Molotov
Les manifestants Serbes réclament désormais le retrait des nouveaux maires albanais mais aussi des forces de police du Kosovo, auxquelles ils se sont heurtés. Lundi après-midi, les soldats de la KFOR, munis de boucliers et de bâtons, ont initialement tenté de séparer les deux parties avant de commencer à disperser la foule. Qui a répliqué en lançant des pierres et des cocktails Molotov en direction des soldats avant d’être repoussés à plusieurs centaines de mètres de la mairie de Zvecan.
Selon le ministère hongrois de la Défense, plus de 20 soldats hongrois figurent parmi les blessés, dont sept ont été grièvement atteints. Le ministre italien des Affaires étrangères Antonio Tajani a fait état dans un tweet de 11 soldats italiens blessés. Au moins 52 Serbes ont également été blessés dans ces incidents, dont trois grièvement, a précisé à Belgrade le président serbe Aleksandar Vucic.
#KFOR statement pic.twitter.com/0cnmW5PRfn
— NATO Kosovo Force - KFOR (@NATO_KFOR) May 30, 2023
Ces attaques ont été qualifiées de «totalement inacceptables» par l’Otan à Bruxelles, ajoutant que «la violence doit cesser immédiatement». Ce mardi matin, la force KFOR a publié un communiqué indiquant que «11 soldats italiens et 19 du contingent hongrois ont subit de multiples blessures, y compris des fractures et des brûlures causées par des engins explosifs improvisés incendiaires» et «dont trois soldats hongrois [...] blessés par l’usage d’armes à feu».
Selon la police kosovare, cinq manifestants serbes soupçonnés d’avoir participé aux affrontements ont été arrêtés. De son côté, Belgrade a ordonné à l’armée serbe de se placer en état d’alerte maximale, comme cela a été régulièrement le cas ces dernières années. La KFOR a expliqué avoir renforcé sa présence dans le Nord pour «réduire le risque d’escalade». «Les deux parties doivent assumer l’entière responsabilité des événements et éviter une nouvelle escalade, plutôt que de se cacher derrière de faux discours», ajoute la KFOR dans son communiqué. La France a également condamné «ces violences avec la plus grande fermeté», a déclaré le ministère français des Affaires étrangères, appelant Belgrade et Pristina à retourner «à la table des négociations avec une attitude de compromis».
Démissions en masse
La Serbie n’a jamais reconnu l’indépendance proclamée en 2008 par son ancienne province et des tensions éclatent régulièrement entre Belgrade et Pristina. Quelque 120 000 Serbes vivent au Kosovo, dont un tiers environ dans le nord du territoire.
Les Serbes ont démissionné en masse en novembre des institutions locales dans la région et Pristina avait décidé d’organiser des scrutins municipaux pour tenter de mettre fin au vide institutionnel. Des incidents s’étaient déjà produits vendredi lorsque des maires kosovars albanais ont pris leurs fonctions accompagnés par la police.
Mis à jour : à 13 h 36, avec l’ajout d’informations sur le rassemblement de mardi puis à 15 h 40 avec le déploiement de forces supplémentaires de l’Otan.