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Attaque

Une fusillade dans une salle de concert à Moscou fait au moins 133 morts, l’Etat islamique revendique l’attaque

Vendredi 22 mars, une fusillade et plusieurs explosions ont fait des dizaines de morts avant un concert près de la capitale russe. Le Kremlin annonce ce samedi l’arrestation de 11 personnes dont 4 assaillants.
De la fumée s'échappant du Crocus City Hall, salle de concert moscovite, ce vendredi 22 mars au soir. (Maxim Shemetov/REUTERS)
publié le 22 mars 2024 à 18h55
(mis à jour le 23 mars 2024 à 9h29)

Les images sont cauchemardesques. Des corps inanimés jonchent le trottoir et les sas d’entrée. Des hommes en tenue de camouflage, les visages dissimulés par des cagoules, tirent à bout portant sur des gens qui s’entassent dans un recoin. Du sang. Des cris. Des coups de feu. Une fusillade revendiquée par l’Etat islamique (EI) a éclaté quelques minutes avant le début d’un concert du groupe de rock Piknik, dans le centre commercial Crocus City Hall, dans la ville de Krasnogorsk, en périphérie de Moscou. Des combattants de l’EI «ont attaqué un grand rassemblement […] dans les environs de la capitale russe Moscou», a ainsi confirmé l’EI sur l’un de ses comptes Telegram.

Une attaque qui est intervenue entre la deuxième et la troisième sonnerie qui annonçait le début du concert, racontent les témoins. «Nous attendions le début du ­concert du groupe Piknik et la salle a été prise d’assaut par – je-ne-sais-pas-qui – des terroristes, des militaires… Ils portaient des vêtements bruns. Ils ont commencé à tirer sur les gens avec des fusils automatiques. Tout le monde s’est mis à courir. Il y a eu une terrible bousculade. Tout le monde paniquait, s’allongeait sur le sol, s’écrasait les uns les autres. En ce moment, le Crocus derrière moi est en feu. Il a été incendié», raconte un témoin cité par le site Meduza.

Un journaliste de l’agence RIA Novosti a rapporté qu’au moins trois personnes en tenue de camouflage ont fait irruption dans le parterre en tirant à l’arme automatique. Ils ont ensuite lancé une grenade ou une bombe incendiaire, ce qui a déclenché un incendie. Les spectateurs encore présents dans la salle se sont jetés au sol entre les fauteuils. Au bout de quinze à vingt minutes, ils ont commencé à sortir en rampant. Sur une vidéo qui a circulé très tôt, on entend distinctement les coups de feu, espacés, pas en rafale, comme si les assaillants prenaient le temps de choisir leur cible.

Au moins 133 morts et 115 blessés

Au moment de la fusillade, plus de 6 000 personnes auraient pu se trouver dans la salle de concert de 6 200 places, Piknik jouait à guichets fermés vendredi soir. Les premiers chiffres officiels ont été communiqués par le FSB vers 22 heures à Moscou : 40 morts et au moins 100 blessés. Le bilan a été réhaussé dans la nuit à plus de 60 morts et 115 blessés, puis à 133 ce samedi après-midi. Selon le ministre de la Santé Mikhaïl Mourachko, 115 personnes sont hospitalisées, dont cinq enfants. Soixante adultes et un mineur parmi ces blessés sont dans un état grave.

Alors que des gens commençaient à quitter le Crocus, plusieurs explosions se sont produites. Le bâtiment a pris feu, partiellement englouti par les flammes, sous un ciel noir. Une partie du toit s’est écroulée, selon les témoins. Il reste encore quelques foyers mais l’incendie a été pratiquement circonscrit. « Des secouristes ont pu pénétrer dans l’auditorium » où le toit s’était effondré, a déclaré dans la nuit sur Telegram le gouverneur de la région de Moscou, Andreï Vorobiov. Les travaux de déblayage y ont commencé « et vont durer toute la journée », a-t-il indiqué dans la matinée, en précisant que 477 secouristes étaient déployés sur les lieux. Aucune information n’a été donnée sur le nombre de personnes potentiellement piégées à l’intérieur.

Les opérations d’évacuation ont commencé en même temps que l’assaut du bâtiment par les forces spéciales, dont trois unités successives ont pénétré à l’intérieur. ­Selon le ministère russe des Situations d’urgence, les pompiers sont parvenus à évacuer une centaine de personnes qui se trouvaient dans le sous-sol de la salle de concert.

Plusieurs heures après l’attaque, le flou régnait toujours sur l’identité des assaillants, comme sur leur nombre. D’après les images qui circulent, ils étaient au moins quatre, cinq selon certains médias. Ce samedi matin, le Kremlin a annoncé l’arrestation de 11 personnes, dont les «quatre» assaillants. «Le directeur du FSB (les services de sécurité russes) M. (Alexandre) Bortnikov, a informé M. (Vladimir) Poutine de l’arrestation de 11 personnes, dont les quatre terroristes directement impliqués dans l’attentat», a indiqué la présidence aux agences de presse russes.

«Ils ont commencé à tirer à l’aveugle»

Les terroristes n’auraient pas rencontré de résistance armée de la part des gardiens, ces derniers n’étant équipés que de matraques. Avant l’attentat, aucun détecteur de métaux ne fonctionnait à l’entrée du complexe, et les agents de sécurité ne vérifiaient pas les sacs, a rapporté Mash, une chaîne Telegram proche des forces de l’ordre. L’un des gardes a raconté à Baza, une autre chaîne Telegram, que la fusillade avait commencé dans la rue, près de l’entrée principale de la salle de concert. «Lorsque les tirs ont commencé, je me tenais à l’entrée centrale, au rez-de-chaussée. Ils ont commencé à tirer depuis la rue, le verre est tombé immédiatement. Trois autres gardes se tenaient à l’entrée, nous nous sommes cachés derrière un panneau en bois et les assaillants sont passés à 10 mètres de nous. Ils ont commencé à tirer à l’aveugle sur les gens du rez-de-chaussée, puis ils se sont dirigés soit vers la salle de concert, soit vers l’aquarium. Lorsque les tirs se sont calmés, nous nous sommes dirigés vers l’entrée centrale, où les administrateurs aidaient déjà les blessés. Je n’ai pas vu de personnel de sécurité parmi eux, seulement des invités», a-t-il ­déclaré.

Deux heures et demie après l’attaque, qualifiée d’attentat terroriste par le parquet de Moscou, aucun groupe ne l’avait revendiquée. «Soyons clairs, l’Ukraine n’a absolument rien à voir avec ces événements», a assuré sur Telegram Mykhaïlo Podoliak, un conseiller de la présidence ukrainienne. «Bien sûr, ce n’est pas nous», ont fait savoir de leur côté les combattants du Corps des volontaires russes, l’une des unités paramilitaires pro-Kyiv et anti-Poutine, qui s’est spécialisée dans les attaques contre la région frontalière de Belgorod. «Nous soulignons que la Légion ne combat pas les civils russes», a déclaré un autre groupe Liberté de la Russie, qui rend responsable «le régime terroriste de Poutine».

Rapidement, la Maison blanche s’est dite «en pensées aux côtés des victimes de la terrible attaque» à Moscou. Un porte-parole a précisé n’avoir «pas d’indication à ce stade que l’Ukraine ou des Ukrainiens soient impliqués». «Je ne peux pas donner plus de détails», a déclaré John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, en disant que les Etats-Unis cherchaient «à obtenir plus d’informations». «Je vous déconseillerais, à un stade aussi précoce, de faire un lien avec l’Ukraine», a-t-il toutefois déclaré. La France a de son côté dénoncé des «actes odieux» et demandé que toute la lumière soit faite sur l’attaque d’une salle de concert en banlieue de Moscou qui a fait au moins 40 morts. «Les images qui nous parviennent depuis Moscou sont terribles», a réagi le ministère français des Affaires étrangères dans un message posté sur X. «Nos pensées vont aux victimes et blessés et au peuple russe».

Mise à jour vendredi 22 mars à 21h06 avec de nouvelles informations.

Mise à jour vendredi 22 mars à 21h18, les forces de l’ordre russes ont indiqué être «à la recherche» des assaillants.

Mise à jour vendredi 22 mars à 22h04, ajout des réactions de Washington et de Paris.

Mise à jour vendredi 22 mars à 22h28, ajout de la revendication par l’Etat islamique.

Mise à jour samedi 23 mars à 8 heures, évolution du bilan, incendie circonscrit.

Mise à jour samedi 23 mars à 9h30, arrestation de 11 personnes, évolution du bilan.

Mise à jour samedi 23 mars à 11 heures, évolution du bilan.

Mise à jour samedi 23 mars à 14 h30, évolution du bilan.