Plusieurs milliers de manifestants sont descendus dans la rue ce samedi 11 mai au soir à Tbilissi en Géorgie pour protester une nouvelle fois contre le projet de loi controversé sur l’«influence étrangère», voulu par le gouvernement mais critiqué par les Etats-Unis et l’Union européenne. Dans la foule, qui convergeait vers la place de l’Europe, des manifestants arboraient les drapeaux de la Géorgie et de l’Union européenne, que Tbilissi dit vouloir rejoindre, malgré ce texte que ses détracteurs jugent similaire à une législation russe utilisée contre l’opposition.
Dans le centre-ville de Tbilissi, une impressionnante foule s’est rassemblée la nuit tombée pour afficher son opposition, un important dispositif policier ayant été installé plus tôt dans la journée. «Non à la loi russe !», «Non à la dictature russe», criaient les manifestants.
La Géorgie, petit pays du Caucase, est en proie à des manifestations antigouvernementales depuis début avril après que le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, a réintroduit un projet de loi perçu comme une entrave aux aspirations de Tbilissi à rejoindre l’UE. Et pour cause, ce texte s’inspire largement d’une législation russe utilisée depuis plusieurs années par le Kremlin pour réprimer les voix dissidentes.
Interview
Le projet de loi doit encore passer très prochainement en troisième lecture au Parlement et la Présidente, Salomé Zourabichvili, en conflit avec le parti au pouvoir, devrait y mettre son veto. Le Rêve géorgien dispose cependant d’assez de voix pour pouvoir passer outre. Autre voix dissidente, celle de l’ambassadeur de Géorgie en France, qui vient de démissionner afin d’avoir toute la latitude possible pour dénoncer ce projet de «loi Poutine», dont il exige le retrait. Gocha Javakhishvili, qui occupait son poste depuis 2022, est un fervent défenseur de l’intégration de son pays dans l’Union européenne, il craint de voir cette loi anéantir ses efforts.
«C’est pour nous terroriser»
Ces derniers jours, de nombreux militants travaillant pour des ONG et autres groupes de défense des droits ont dit avoir reçu des menaces au téléphone. Plus tôt ce samedi, la militante féministe Baia Pataraia avait ainsi montré à l’AFP des graffitis orange sur la porte de sa maison et à l’intérieur de son immeuble, où l’on pouvait lire «lesbienne mangeuse de subventions». «C’est pour nous terroriser», a-t-elle fustigé, se disant pas surprise de telles provocations mais tout de même déterminée à participer au grand rassemblement dans la soirée.
Si la loi controversée est adoptée, elle exigera que toute ONG ou organisation médiatique recevant plus de 20 % de son financement de l’étranger s’enregistre en tant qu’«organisation poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère». Le gouvernement assure pour sa part que cette mesure est destinée à obliger les organisations à faire preuve de davantage de «transparence» sur leurs financements.
Reportage
La loi avait d’abord été présentée par le Rêve géorgien en 2023. Mais des v avaient déjà forcé le gouvernement à la mettre au placard. Son retour, début avril, a créé la surprise et la colère de nombreux Géorgiens à quelques mois d’élections législatives, en octobre, considérées comme un test important pour la démocratie dans cette ex-République soviétique habituée aux crises politiques.
En décembre 2023, l’UE a accordé à la Géorgie le statut de candidat officiel, mais a déclaré que Tbilissi devrait mener des réformes de ses systèmes judiciaire et électoral, accroître la liberté de la presse et limiter le pouvoir des oligarques avant que les négociations d’adhésion ne soient officiellement lancées.