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Gafam

Google (encore) dans le viseur de Bruxelles pour des pratiques anticoncurrentielles sur la pub en ligne

La Commission européenne soupçonne à nouveau l’entreprise «d’abuser de sa position dominante», cette fois-ci pour écraser ses concurrents sur le marché de la publicité.
Une entreprise peut être grosse, puissante et en monopole, tant qu’elle ne profite pas de sa situation pour mettre ses propres produits en tête de gondole et imposer des conditions de vente déloyales. (Regis Duvignau/REUTERS)
publié le 23 juin 2021 à 8h12

Les pratiques de Google dans les technologies d’affichage publicitaire en ligne sont-elles anticoncurrentielles ? Une enquête ouverte par la Commission européenne ce mardi devra en juger. Le gendarme de la concurrence dans l’UE soupçonne Google d’avoir «enfreint les règles de l’UE en matière de concurrence en favorisant ses propres services». Dans le marché intérieur, une entreprise n’a pas le droit «d’exploiter de façon abusive une position dominante», selon les traités. Autrement dit, une entreprise peut être grosse, puissante et en monopole, tant qu’elle ne profite pas de sa situation dominante sur le marché pour mettre ses propres produits en tête de gondole et imposer des conditions de vente déloyales. Au détriment de la concurrence libre entre entreprises.

Google Ads ou rien

Mais en quoi les pratiques de Google pourraient-elles s’avérer déloyales ? Bruxelles s’intéresse cette fois-ci aux services de publicité proposés par la firme alors que 80 % des 150 milliards d’euros de chiffre d’affaires d’Alphabet, la maison mère, proviennent de la publicité en ligne. Sur Youtube, la Commission va enquêter sur «l’obligation» des annonceurs à recourir à Display & Video 360 et Google Ads (deux outils de Google) pour acheter des affichages de pubs qui viendront s’afficher sur nos écrans, selon son communiqué de presse. Mais aussi «l’obligation» d’utiliser Google Ad Manager pour offrir des affichages publicitaires sur Youtube.

Autre problématique : les «restrictions imposées par Google» aux annonceurs, éditeurs et autres intermédiaires pour accéder aux données des utilisateurs limitant leur capacité à déployer des publicités ciblées. Tandis que Google accumule à l’infini des données personnelles toujours plus affinées.

Des pratiques qui tendent à étouffer la concurrence actuelle ou potentielle ? C’est ce que va examiner l’enquête (avant d’éventuelles sanctions) menée par la Direction générale de la concurrence au sein de la Commission, chargée de surveiller les pratiques des grosses entreprises transnationales. «Une concurrence équitable est importante – à la fois pour permettre aux annonceurs d’atteindre les consommateurs sur les sites des éditeurs et pour permettre aux éditeurs de vendre des espaces aux annonceurs – afin de générer des revenus et de financer les contenus», résume Margrethe Vestager, figure de proue des anti-Gafam dans l’UE.

«Une tendance naturelle à la concentration»

Côté Google, déjà condamnée à plusieurs reprises par l’UE pour ses abus de position dominante notamment lié au système d’exploitation Android, le choix des entreprises d’utiliser ses produits est justifié «parce qu’ils sont compétitifs et efficaces», a réagi un porte-parole. La firme américaine fait aussi actuellement l’objet de différentes procédures pour des raisons similaires. L’Autorité de la concurrence française a infligé 220 millions d’euros d’amende à la plateforme (après des tractations entre les parties). Google est sanctionné pour avoir «accordé un traitement préférentiel à ses technologies» Google Ad Manager pour vendre des espaces de pubs.

Aux Etats-Unis, la firme est visée par une enquête menée par les procureurs généraux de dix Etats. Ceux-ci l’accusent notamment de surfacturer les éditeurs pour les publicités en ligne, expliquait le New York Times en décembre 2020. «Si le marché libre était un match de baseball, Google se positionnerait comme le lanceur, le batteur et l’arbitre», résumait alors le procureur général du Texas. Mais Google n’est pas le seul à utiliser tous les moyens possibles pour écraser la concurrence. Ces plateformes numériques géantes en situation de quasi-monopole ont «une tendance naturelle à la concentration» dont les effets sont renforcés par leurs stratégies pour accroître leur pouvoir de marché comme «leur expansion sur un nombre important d’autres marchés, plus ou moins proches de leur activité première», détaille une note du Conseil d’analyse économique d’octobre 2020. «De par leur taille, leur maîtrise des données et leur présence sur de nombreux secteurs d’activité, les plateformes disposent d’un pouvoir de marché considérable» et donnent du fil à retordre aux régulateurs parfois démunis.