Jamais des élections législatives au Groenland n’avaient connu un tel retentissement international. Signe, peut-être, d’un effet Trump, la participation a été forte, à plus de 70 %. En tête du scrutin, l’opposition du centre droit, d’après les derniers résultats officiels publiés ce mercredi 12 mars. Le parti Démocrates, formation autoproclamée «sociale-libérale» et favorable à l’indépendance à terme, a remporté 29,9 % des suffrages, multipliant par plus de trois son score lors de l’élection précédente en 2021.
Ces élections sont également marquées par une poussée des nationalistes de Naleraq, qui réclament l’accession rapide à l’indépendance de l’île arctique convoitée par Donald Trump, convaincu de pouvoir s’en emparer «d’une manière ou d’une autre». La force politique la plus activement engagée pour que le territoire autonome danois rompe ses liens restants avec Copenhague se place ainsi en deuxième position, avec 24,5 % des voix.
La coalition sortante, elle, composée d’Inuit Ataqatigiit (IA, la gauche écologiste) et des sociaux-démocrates de Siumut a, elle, été très largement sanctionnée par les électeurs qui se sont déplacés en masse. IA perdant 15,3 points et Siumut 14,7 par rapport à il y a quatre ans. «Nous respectons le résultat de l’élection», a réagi sur la chaîne publique groenlandaise KNR le Premier ministre sortant, Mute Egede, chef de IA.
Aucun des partis n’étant en position d’obtenir la majorité sur les 31 sièges au Parlement, des tractations vont maintenant être nécessaires pour former une alliance. L’attelage final devra notamment esquisser les modalités et un calendrier menant à l’indépendance que souhaite l’immense majorité des 57 000 habitants du Groenland. «Démocrates est ouvert à la discussion avec tous les partis et à la recherche de l’unité, surtout avec ce qui se passe à l’étranger», a déclaré son jeune leader de 33 ans, Jens Frederik Nielsen, également ancien champion groenlandais de badminton.
L’indépendance, mais à quel prix ?
A près de 90 % inuits, les Groenlandais déplorent avoir été historiquement traités comme des citoyens de second rang par l’ex-puissance coloniale danoise accusée d’avoir étouffé leur culture, procédé à des stérilisations forcées et retiré des enfants à leurs familles. Les principaux partis groenlandais souhaitent tous l’indépendance, mais ils divergent sur la feuille de route.
Naleraq veut cette indépendance très rapidement. «Nous pouvons faire ça de la même manière que nous avons quitté l’Union européenne [en 1985]. Cela a pris trois ans. Le Brexit a duré trois ans. Pourquoi prendre plus de temps ?» a déclaré le chef du parti, Pele Broberg. Mais d’autres formations conditionnent aussi l’indépendance aux progrès économiques du Groenland. Recouvert à 80 % de glace, le territoire est économiquement dépendant de la pêche, qui représente la quasi-totalité de ses exportations, et de l’aide annuelle d’environ 530 millions d’euros versée par Copenhague, soit 20 % du produit intérieur brut (PIB) local. Pour Naleraq, le Groenland pourrait voler de ses propres ailes grâce à ses ressources minérales, mais le secteur minier reste pour l’heure ultra-embryonnaire, plombé par des coûts d’exploitation élevés.
Levier pour des négociations
Après avoir déjà lancé l’idée d’acheter le Groenland durant son premier mandat, s’attirant une fin de non-recevoir des autorités danoises et groenlandaises, Donald Trump martèle sa volonté de mettre la main – sans exclure la force – sur le territoire jugé important pour la sécurité américaine. Dans la nuit de dimanche à lundi 10 mars, il a de nouveau promis, sur son réseau Truth Social, sécurité et prospérité aux Groenlandais qui souhaiteraient faire partie des Etats-Unis.
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Selon un sondage paru en janvier, près de 85 % des Groenlandais excluent cette éventualité. Naleraq voit dans l’intérêt américain pour l’île un levier dans de futures négociations avec le Danemark. Mais ces sorties refroidissent aussi parfois les ardeurs indépendantistes et incitent au maintien des liens avec Copenhague, au moins pour l’instant.