Le temps file, et, pour l’Ukraine et la Russie, il s’agit de frapper le plus fort possible avant le retour à la Maison Blanche de Donald Trump. Ce week-end, c’est Kyiv qui relance son offensive dans la région russe de Koursk, cinq mois après sa première attaque surprise en territoire ennemi. C’est l’armée russe elle-même qui a signalé cette «contre-attaque» dans cette poche où l’Ukraine contrôle déjà plusieurs centaines de kilomètres carrés depuis août.
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«Vers 9 heures, l’ennemi a lancé une contre-attaque afin de stopper l’avancée des troupes russes dans la zone de Koursk», indique l’armée russe dans un communiqué qui assure que «le groupe d’assaut de l’armée ukrainienne a été vaincu par l’artillerie et l’aviation». L’opération militaire de cet été, inattendue, avait permis à l’Ukraine de prendre la petite ville de Soudja, et de sécuriser une petite enclave hors de ses frontières. Les Russes ont ensuite riposté et repris près de la moitié de la zone, faisait naître une nouvelle ligne de front sur leur propre territoire.
«La Russie reçoit ce qu’elle mérite»
Si l’armée russe assure garder le dessus, précisant dans son communiqué que «l’opération de destruction des unités des forces ukrainiennes se poursuit», les Ukrainiens laissent entendre l’inverse. Le chef de l’administration présidentielle ukrainienne, Andriy Yermak, a publié un message assez clair sur Telegram, sans confirmer directement la prise d’initiative ukrainienne : «Région de Koursk, bonne nouvelle. La Russie reçoit ce qu’elle mérite.» Andriy Kovalenko, un responsable du Conseil national de sécurité et de défense ukrainien, a lui affirmé que les Russes «ont été attaqués de plusieurs côtés, ce qui les a surpris».
Selon les blogueurs militaires prorusses, qui suivent attentivement les mouvements de troupes et le conflit, les forces ukrainiennes viseraient actuellement la ville de Berdin, à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Soudja, pour tenter d’en prendre le contrôle. Sur la chaîne Telegram Mash, elle aussi réputée proche des autorités russes, on peut lire que «les hommes de l’armée ukrainienne se déplacent en petits groupes. Le nombre total de leurs troupes s’élève à 2 000».
Nouvelle donne
Cette nouvelle offensive, après des mois de difficile résistance contre les coups de boutoirs de l’armée de Russie, vise à donner un peu d’air à l’Ukraine alors que le retour au pouvoir de Donald Trump pourrait changer la donne du conflit. Le président élu, qui sera investi le 20 janvier, avait appelé début décembre à un «cessez-le-feu immédiat», et promis pendant sa campagne qu’il mettrait «fin à la guerre en 24 heures». Son plan pour y arriver reste inconnu, mais déjà les chancelleries du monde entier, et notamment européennes, se préparent à d’éventuelles négociations et à une chute drastique de l’aide financière et militaire américaine pour soutenir l’effort de guerre ukrainien.
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Quant aux deux belligérants, ils essaient de renforcer leurs positions et d’avancer leurs pions pour arriver plus forts à la table de discussions dans les prochaines semaines. Jusqu’à présent, c’était plutôt Moscou qui, péniblement et au prix de nombreuses pertes, enregistrait le plus de gains sur le terrain. Notamment dans le Donbass et autour du nœud logistique de Pokrovsk, véritable mouroir pour les soldats ukrainiens qui tiennent encore héroïquement.
Et c’est probablement ce qui rendait d’autant plus urgent, pour les Ukrainiens, la tenue de cette nouvelle offensive, afin d’envoyer un message combatif, même si leurs progrès sur le terrain risquent de n’être pas non plus très significatifs. Ils peuvent encore compter, pour ses derniers jours à la tête des Etats-Unis, sur le soutien infaillible de Joe Biden. L’actuel président a débloqué cette semaine un nouveau paquet d’aide militaire de 6 milliards de dollars (5,8 milliards d’euros), et autorisé, juste après la défaite de sa dauphine Kamala Harris à la présidentielle de novembre, l’Ukraine à frapper directement le territoire russe grâce aux missiles américains ATACMS – la Russie dit ailleurs en avoir intercepté huit ce samedi, tirés vers la région de Belgorod, et promis des «représailles», tandis que Donald Trump s’est publiquement opposé à ce genre de frappes.
L’offensive peut aussi faire oublier les propres déboires de l’état-major ukrainien. Un scandale a éclaté cette semaine autour de la 155e brigade, baptisée «Anne de Kyiv», et dont une partie des soldats a été formée en France. Une enquête d’un journaliste ukrainien spécialisé des questions de défense, Yuriy Butusov, a révélé que ses hommes ont été envoyés sur les points les plus chauds du front, notamment à Pokrovsk, sans expérience suffisante ni équipement adapté, provoquant des pertes douloureuses et peut-être évitables. Et questionnant du même coup la stratégie de l’état-major, ce qui pourrait nuire à sa crédibilité auprès de ses alliés.