Il est minuit bientôt passé, le froid glacial contraint les corps exténués à se réfugier dans les voitures qui les ont conduits jusqu’à Tchop, dernier village avant la frontière avec la Hongrie. Bientôt il sera l’heure de se séparer pour trois familles d’amis de Jytomyr, ville à l’ouest de Kyiv inlassablement bombardée depuis quelques jours. Les femmes et les enfants poursuivent leur route vers l’Europe après avoir franchi le dernier rempart administratif, définitivement à l’abri de la guerre ukrainienne. Les trois hommes massifs au visage fermé se rassemblent, eux, dans l’une des voitures et font demi-tour. Direction la région de Kyiv et de Jytomyr et le front, où les deux premiers vont faire valoir leur expérience militaire. Le troisième, Sergeï, intégrera un groupe de défense territoriale parce qu’il «veut sauver sa terre pour que sa famille puisse un jour y revenir».
En Transcarpatie, région isolée de l’ouest de l’Ukraine, appréciée en temps de paix pour ses montagnes et ses stations de ski, chaque jour des centaines de familles se séparent, sans savoir si elles se reverront. Les hommes laissant, d’un côté ou de l’autre de la frontière, leur femme et leurs enfants en sécurité.
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Uniforme au placard
Le long de l’Ouj, la rivière qui glisse paisiblement au centre-ville d’Oujhorod, capitale de la région, Slova, armoire à glace au sourire généreux vêtu de son treillis, profite des derniers instants avec ses deux filles et sa femme. Il y a ici un groupe de musiciens scouts, là une terrasse pri