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Guerre en Ukraine: malgré les sanctions et les discussions, les chefs d’Etat se heurtent au mur Poutine

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Après s’être entretenu dimanche avec le Premier ministre israélien physiquement, et avec le président français par téléphone, le maître du Kremlin a maintenu ses exigences. Et a également assuré n’avoir aucune «intention» d’attaquer des installations nucléaires.
Le Premier ministre israélien, Naftali Bennett, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, et le président russe, Vladimir Poutine. (Sergei Guneyev /AFP)
publié le 6 mars 2022 à 21h43

«Je vois comme un devoir moral de tout tenter.» Premier dirigeant étranger à rencontrer physiquement Vladimir Poutine depuis le début de la guerre, le Premier ministre israélien, Naftali Bennett, a résumé dimanche le sentiment qui prévaut encore chez les Occidentaux. Face à l’intransigeance du maître du Kremlin et aux crimes de son armée, face à l’exode des réfugiés et à celui, impossible, des habitants de Marioupol prisonniers d’un siège lugubre, il faut continuer de croire aux vertus du dialogue. Quitte à se heurter, encore et toujours, à un mur.

Au cours du week-end, plusieurs dirigeants ont échangé avec le président russe. Naftali Bennett donc, pendant trois heures samedi au Kremlin, suivies d’une conversation téléphonique avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, et un entretien à Berlin avec le chancelier Olaf Scholz. Mais aussi le président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui a plaidé pour «un cessez-le-feu urgent et général» et l’ouverture de couloirs humanitaires. Et Emmanuel Macron, qui s’est entretenu dimanche avec son homologue russe pendant près de deux heures, pour la quatrième fois depuis le déclenchement de l’invasion en Ukraine.

Inlassablement, et en dépit de l’absence de progrès notables, le chef de l’Etat français poursuit sa «logique de concertation». Trois jours après avoir conclu de leur précédente conversation que le «pire était à venir», il a souhaité échanger à nouveau avec Poutine, afin d’évoquer en particulier «la sécurité des centrales nucléaires», objet de vives inquiétudes depuis des tirs, dans la nuit de jeudi à vendredi, autour du site nucléaire de Zaporijia, la plus grande centrale d’Ukraine et d’Europe.

Apparente main tendue

Sur ce dossier qui réveille des angoisses existentielles, Emmanuel Macron pousse pour la mise en place de mesures «concrètes» visant à assurer «la sûreté et la sécurité» des sites nucléaires civils ukrainiens. Deux centrales, à Zaporijia et Tchernobyl, sont sous contrôle russe. Selon l’Elysée, Vladimir Poutine a assuré n’avoir aucune «intention» d’attaquer des installations nucléaires et «accepté qu’un travail» pour les sécuriser «soit engagé sans délai par l’Agence internationale de l’énergie atomique». Le directeur de l’agence onusienne pourrait, lors d’un conseil des gouverneurs prévu ce lundi à Vienne, faire des propositions en ce sens.

Hormis cette apparente main tendue sur le thème nucléaire, Moscou ne montre aucun signe de fléchissement sur les volets militaire, politique et humanitaire. Sur ce dernier point, Vladimir Poutine, lors de sa conversation avec son homologue français, a de nouveau nié, contre toute évidence, «que son armée prenne des civils pour cible», et rejeté sur les Ukrainiens la responsabilité de l’échec de l’évacuation de Marioupol. «L’armée qui attaque est l’armée russe», lui aurait répondu Emmanuel Macron, qui s’est entretenu dimanche avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.

Lors d’une vidéoconférence, samedi, avec plus de 300 élus du Congrès américain, ce dernier a réclamé un durcissement des sanctions économiques – notamment une interdiction des importations de pétrole et de gaz russe – ainsi que la fourniture urgente d’avions de combat, à défaut de l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne, catégoriquement rejetée par l’Otan. «Nous le répétons chaque jour : fermez le ciel au-dessus de l’Ukraine, fermez-le aux missiles russes», a de nouveau plaidé Zelensky, dimanche. Moscou, de son côté, a mis en garde les voisins de l’Ukraine contre l’accueil d’avions de combat ukrainiens et «leur utilisation subséquente contre les forces armées russes».

Durcissement militaire

En visite en Moldavie, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, qui sera reçu mardi à Paris par Macron, a déclaré que Washington œuvrait «activement» à un accord avec la Pologne, qui verrait Varsovie envoyer à l’Ukraine ses chasseurs Mig-29 de fabrication soviétique en échange de F-16 américains. Un scénario que le Premier ministre polonais a toutefois semblé écarter dimanche. Selon une source diplomatique, si l’éventuelle fourniture «discrète» d’avions de chasse à l’Ukraine n’a pas été tranchée, les livraisons d’armes létales, notamment de missiles antichars, se poursuivent en revanche en flux continu, notamment vers Kyiv. Une manière d’alourdir le coût de l’offensive pour la Russie.

Dans ce contexte de durcissement militaire, une troisième session de pourparlers est prévue ce lundi entre délégations ukrainienne et russe. Mais les chances de progrès paraissent infimes, Poutine maintenant ses exigences, inacceptables pour Kyiv : «dénazification» et «neutralité» de l’Ukraine, reconnaissance de la Crimée russe et de l’indépendance du Donbass. Ces objectifs seront «atteints», a promis Poutine à Macron. «Soit par la négociation soit par la guerre.»