Dans la cité, on les appelle les «fanatiques», ces Odessites un peu âgés, qui ont fait de l’eau salée et du soleil une religion. Aux premières heures du jour, sous les rayons ardents, ils descendent les escaliers jusqu’aux plages, en claquettes usées, un sac d’épicerie à la main. Ils prennent des postures indolentes, sportives et tannent plus encore les moindres replis d’un corps déjà mordoré. Dans la ville fondée par le duc de Richelieu, ce sont eux les rois et les reines. A midi, ils laissent le sable aux familles, puis aux hordes de fêtards, de loulous, de pépettes Instagram, qui serpentent la nuit tombée dans le dédale d’Arcadia – le quartier de la plage du même nom –, d’un club de strip-tease à une boîte techno en vogue, dans le roulis bruyant d’une ville qui ne dort jamais.
Sauf que ça, c’est une histoire du passé. Le souvenir déjà oublié de l’été dernier. D’une autre vie. Quand plus de trois millions de touristes déferlaient tous les étés sur Odessa et ses plages, principale destination balnéaire et fêtarde d’Ukraine. Ce mardi de fin juillet, sur la populaire plage Langeron, les «fanatiques» sont toujours là. Mais ils sont bien seuls. Le vague à l’âme. Comme Tetiana, 62 ans, en bikini noir, qui a du mal à sortir son petit-fils, Kolya, 5 ans, de sa serviette qu’il utilise comme pour se protége