Le drone vole depuis quelques minutes dans la nuit ukrainienne. Sur la tablette et dans le casque du soldat qui le pilote depuis une cave humide d’un village de la région de Kharkiv, le paysage défile en dégradés de gris, du blanc au noir profond : des champs, des bosquets, des lampadaires, quelques routes et chemins. «Bienvenue au Mordor», dit le soldat August, un nom de code. Le drone vient de franchir la frontière, il est en Russie.
Depuis la ferme abandonnée où ils se sont installés, August et ses quatre soldats de la 92e brigade d’assaut de l’armée ukrainienne observent sur l’écran la lisière d’un bois. «Il n’y a rien ici, on continue», ordonne August. Soudain, trois silhouettes blanches apparaissent. Elles se mettent à courir. «Laisse-les se sauver, on cherche plus gros.» Les trois silhouettes disparaissent sous les arbres. «Low battery», («batterie faible») clignote sur l’écran. Tror, le soldat de 30 ans qui pilote le drone, fait disparaître le message d’alerte. Il reste un peu plus de cinq minutes pour trouver une cible, les drones FPV (first-person view) de l’unité ne reviennent pas côté ukrainien.
Quelques instants plus tard, un blindé apparaît sur la route qui mène à Belgorod. Le drone, à plusieurs dizaines de mètres