De la Pologne au Portugal, de l’Italie à l’Irlande, qu’ils soient rompus aux arcanes de Strasbourg et Bruxelles, ou complètement novices en politique : à l’approche des élections européennes, «Libé» tire le portrait d’un candidat par Etat membre de l’Union, en dehors de la France. Vingt-six pays, vingt-six personnalités, pour présenter les enjeux domestiques et les vents contraires qui soufflent sur le continent.
«Quand j’étais encore lycéenne, la politique me paraissait très lointaine. Il n’y avait pas de candidats auxquels je pouvais m’identifier, pas de jeunes, peu de femmes. Ceux que je rencontrais étaient des vieux hommes en costumes, qui parlaient de sujets que je ne connaissais pas. Quand je me suis engagée en 2020, je me suis dit que je voulais être une candidate pour laquelle j’aurais envie de voter», raconte Hanah Lahe, léger sourire aux lèvres. A 24 ans, elle est la plus jeune députée du Riigikogu, le Parlement estonien, mais elle ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. En juin, son nom figurera aussi sur les bulletins de vote des européennes, sur la liste du parti de la Réforme (libéral). En cas de bon résultat, elle pourrait devenir l’une des sept eurodéputées estoniennes.
Green Deal
Depuis son élection en 2023, la jeune femme voue son temps à la politique. Dans son petit bureau du Parlement, elle garde un matelas gonflable et un sac de couchage pour les sessions de nuit. Elle est devenue une voix qui porte, notamment auprès des médias estoniens. «Je suis jeune, je suis une femme, je crois que c’est une bonne combinaison pour atteindre des électeurs qui ne voteraient peut-être pas sinon, explique Hanah Lahe. Je me sens aussi la responsabilité de porter leurs idées.» Le raisonnement vaut pour l’Estonie, où elle est l’une des deux seules parlementaires de moins de trente ans (sur 101), comme pour le Parlement européen, où ils sont aujourd’hui seulement 6 sur 705 à avoir moins de 30 ans.
Dans une Estonie qui a profondément changé lors des vingt dernières années, sa génération entretient notamment un autre rapport à l’environnement. «Mon principal objectif est d’attirer l’attention sur la crise climatique, explique-t-elle. Il y a cinq ans, lors des précédentes Européennes, les gens prenaient conscience des enjeux climatiques. Aujourd’hui, tout le monde sait ce qui est en train de se passer, mais la politique climatique manque encore d’ambitions dans beaucoup de pays, même si les choses s’améliorent ici. C’est aussi pour cela qu’il est important de ne pas parler de la législation environnementale uniquement en termes d’interdictions, mais en pointant les opportunités qu’elle peut apporter.» Comme eurodéputée, elle voudrait se pencher sur l’application du Green Deal, le plan européen pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2 050.
COP 27
Hanah Lahe est entrée en politique par les questions environnementales et les institutions internationales. Elle a été représentante de l’Estonie à la COP 27 avant de devenir ambassadrice du Pacte européen pour le climat. «Les Estoniens ont l’habitude de dire que nous aimons la nature. Mais les questions liées au climat semblent encore lointaines pour trop de personnes, comme l’Europe du Nord n’est pas la plus touchée par le changement climatique, explique l’aspirante eurodéputée. Nous devons comprendre collectivement que nous n’avons jamais fait face à une crise aussi importante et qu’elle est horizontale.»
Sur ces enjeux, comme sur d’autres, Hanah Lahe se tourne naturellement vers l’UE et ses échelles d’actions. Dans un pays particulièrement europhile (84 % de la population est satisfaite que l’Estonie soit un Etat membre), qui a rejoint l’Union avant qu’elle n’ait cinq ans, cela va de soi.