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Conflit

Haut-Karabakh : alors que commencent les pourparlers avec l’Azerbaïdjan, l’Arménie dénonce à l’ONU un «nettoyage ethnique»

De premiers pourparlers entre l’Azerbaïdjan et les séparatistes arméniens du Haut-Karabakh ont commencé jeudi 21 septembre après une victoire militaire éclair de Bakou pour reprendre le contrôle de ce territoire sécessionniste. Dans le même temps, l’ambassadeur de l’Arménie a dénoncé auprès de l’ONU un «crime contre l’humanité».
Des Arméniens arrivent dans un camp russe près de Stepanakert, dans le Haut-Karabakh (image extraite d'une vidéo publiée par le service de presse du ministère russe de la Défense le jeudi 21 septembre 2023). (Russian Defense Ministry/AP)
publié le 21 septembre 2023 à 12h22

Pour l’Arménie, il n’y a pas de doute : c’est un «nettoyage ethnique» qui est «en cours» dans le territoire du Haut-Karabakh, a martelé ce jeudi 21 septembre l’ambassadeur arménien, Andranik Hovhannisyan, devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. «Les civils du Haut-Karabakh sont pris au piège et n’ont aucun moyen d’évacuer puisque l’Azerbaïdjan continue de bloquer la seule planche de salut reliant à l’Arménie», a-t-il développé. Avant d’ajouter : «Il ne s’agit pas d’une simple situation de conflit, mais d’un crime contre l’humanité qui doit être traité comme tel.»

Dans la foulée, une représentante de l’Azerbaïdjan, Dilara Abdullayeva, a de son côté exposé les raisons qui ont poussé son pays à reprendre le contrôle de ce territoire sécessionniste, affirmant qu’il s’agissait de «mesures antiterroristes».

De premiers pourparlers entre l’Azerbaïdjan et les séparatistes arméniens du Haut-Karabakh ont commencé ce même jeudi après une victoire militaire éclair de Bakou pour reprendre le contrôle de ce territoire sécessionniste dont les autorités accusent les Azerbaïdjanais d’avoir violé le cessez-le-feu. La Russie annonce ce jeudi soir avoir enregistré cinq entorses à la trève. « Depuis la conclusion de l’accord de cessation des hostilités, cinq violations du cessez-le-feu ont été enregistrées dans les districts de Chucha (deux) et de Mardakert (trois) », précise le ministère russe de la Défense dans un communiqué.

Accord sur le cessez-le-feu

Il n’empêche, les belligérants ont pris langue. Sur des images diffusées par l’agence de presse officielle azerbaïdjanaise Azertag, six hommes en costume sont autour d’une table pour négocier une réintégration de ce territoire en majorité peuplé d’Arméniens à l’Azerbaïdjan. Parmi eux, un représentant du Haut-Karabakh est visible, David Melkoumian.

Une colonne de 4X4 noirs était auparavant arrivée sur les lieux des discussions, à Yevlakh, à 295 km à l’ouest de la capitale azerbaïdjanaise, suivie d’un véhicule sur lequel flotte un drapeau russe et portant des plaques d’immatriculation de l’armée russe.

La Russie a depuis fin 2020 et une précédente guerre une mission de soldats de la paix dans le Haut-Karabakh. Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a quant à lui appelé jeudi son pays à emprunter «le chemin» de la paix, même s’il n’est «pas facile».

Au moment où les pourparlers débutaient à Yevlakh, des tirs, dont l’origine n’était pas connue dans l’immédiat, ont été entendus à Stepanakert, la capitale des séparatistes arméniens, par un correspondant présent sur place. «Les forces armées azerbaïdjanaises ont utilisé différentes armes depuis les environs de Stepanakert, violant l’accord sur le cessez-le-feu» entré en vigueur mercredi, ont accusé les sécessionnistes. Des allégations aussitôt qualifiées de «désinformation» par le ministre azerbaïdjanais de la Défense Zakir Hassanov.

«Réintégration pacifique»

Selon le dernier bilan des séparatistes arméniens, l’offensive azerbaïdjanaise qui s’est achevée en vingt-quatre heures mercredi à la mi-journée a fait au moins 200 morts et 400 blessés. Le ministère russe de la Défense a quant à lui annoncé que deux soldats russes avaient été tués mercredi lorsque leur voiture a été visée par des tirs.

Acculés par la puissance de feu des unités azerbaïdjanaises et la décision de l’Arménie de ne pas leur venir en aide, les séparatistes ont accepté de rendre toutes leurs armes et de participer à de premiers pourparlers sur «la réintégration» à l’Azerbaïdjan du Haut-Karabakh. En parallèle, une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU se déroulera dans l’après-midi.

A la veille des négociations, Hikmet Hajiev, un conseiller du président azerbaïdjanais Ilham Aliev, a assuré que l’Azerbaïdjan avait «pour objectif la réintégration pacifique des Arméniens du Karabakh» et une «normalisation» des relations avec l’Arménie.

Il a promis «un passage en toute sécurité» aux forces séparatistes arméniennes, assurant que «toutes les actions» menées «sur le terrain» étaient coordonnées avec le contingent de maintien de la paix russe. Vingt-quatre heures après le déclenchement de son offensive militaire, l’Azerbaïdjan a «rétabli sa souveraineté» sur le territoire du Haut-Karabakh, s’est félicité mercredi Ilham Aliev.

Cette victoire azerbaïdjanaise nourrit les craintes d’un départ massif des 120 000 habitants du Haut-Karabakh, tandis que des images diffusées par des médias locaux montraient une foule rassemblée à l’aéroport de Stepanakert, contrôlé par les Russes. Plus de 10 000 personnes, dont des femmes, des enfants et des personnes âgées, ont d’ores et déjà été évacuées de l’enclave, a fait savoir mercredi soir un responsable des séparatistes. Les soldats de la paix russes ont affirmé jeudi matin avoir pris en charge environ 5 000 personnes évacuées.

Mis à jour : à 19h20 avec les violations du cessez-le-feu enregistrées par les Russes.