L’affaire s’est jouée à une virgule près. En Hongrie, la chaîne de librairie Líra, qui avait entrepris une action en justice pour faire annuler une amende homophobe, a remporté son recours en basant son argumentaire sur la ponctuation d’un texte de loi. Ce dernier fait partie d’une batterie de mesures anti-LGBT initiées le Premier ministre, Viktor Orbán. Le Parlement hongrois a récemment voté une loi interdisant la «promotion de l’homosexualité» dans un but de «protection de l’enfance». Mesure qui a eu un fort impact sur le secteur culturel. Pour les libraires, elle implique qu’ils ne peuvent vendre des livres traitant de questions LGBT que s’ils sont scellés par un film transparent et s’ils ne sont pas inclus dans les sections destinées à la jeunesse.
A lire aussi
Mais en juillet 2023, la chaîne de librairie Líra n’a pas respecté la règle, en ne plastifiant pas les romans graphiques Heartstopper d’Alice Oseman. L’histoire d’amour naissante entre Nick et Charlie, deux adolescents britanniques, fait pourtant tomber les ouvrages dans la catégorie de ceux qui «font la promotion des LGBT», au sens de la loi en vigueur. Pour cette raison, l’Office de protection des consommateurs a infligé à la chaîne de librairies une amende de 12 millions de forints (30 000 euros). Contravention contre laquelle l’entreprise a immédiatement intenté un recours en justice.
Devant le tribunal, Líra a basé son argumentaire sur une virgule manquante, qui changerait le sens du texte de loi. Et comme l’a rapporté l’hebdomadaire économique Heti Világgazdaság le 8 février, la chaîne a remporté son procès.
«Une virgule est une virgule»
Le texte de loi hongrois dispose que tous les produits destinés aux enfants qui représentent l’homosexualité «doivent être commercialisés séparément des autres produits uniquement dans un emballage scellé». Le législateur n’ayant pas mis de virgule devant le mot «uniquement», la phrase hongroise signifie ainsi que seuls les livres conservés «séparément» doivent être emballés dans un film transparent.
Le juge de la Cour métropolitaine s’est donc fendu d’un jugement laconique en faveur de Líra : «Une virgule est une virgule. Les règles de la langue hongroise sont au moins aussi connues que les lois régissant la législation sur les relations juridiques de la société. Il n’y avait aucun doute dans l’esprit du tribunal quant au sens de la phrase en question et aucune autre interprétation n’a pu être trouvée.»
A lire aussi
De cette façon, la cour ne juge pas du contenu de l’affaire, ou de si les livres Heartstopper font, ou non, la promotion de l’homosexualité. L’hebdomadaire hongrois rapporte également que le tribunal a déclaré que, s’il n’y a pas d’infraction, il ne peut y avoir de sanctions, de sorte que les autres cas cités par Líra ne seront pas évalués à l’avenir. Dans les colonnes du média indépendant Telex, Krisztián Nyáry, directeur créatif de Líra, se félicite de cette décision et espère qu’elle aura un impact sur d’autres affaires similaires.