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Libération
Guerre en Ukraine

«Huile sur le feu», «un langage que Vladimir Poutine comprend» : le feu vert de Joe Biden sur l’utilisation des missiles américains en Russie divise à l’international

Plusieurs pays, dont la Russie et la France, ont réagi à la décision américaine d’autoriser Kyiv à frapper les territoires russes avec ses missiles longue portée.
Un lanceur de missiles longue portée, du type que les Etats-Unis ont autorisé l'Ukraine à utiliser sur le territoire russe. (Sgt. 1st Class Andrew Dickson/AP)
publié le 18 novembre 2024 à 14h27

C’est une décision lourde de conséquences qui fait beaucoup réagir. Dimanche, à deux mois de la fin de sa présidence, le président américain Joe Biden a autorisé l’Ukraine à utiliser des missiles américains longue portée ATACMS (Army Tactical Missile Systems) pour frapper la Russie. Une information révélée par le New York Times et confirmée depuis par l’AFP, qui agite les chancelleries du monde entier.

Pour la Russie, la décision est de nature à «jeter de l’huile sur le feu»

La réaction la plus scrutée, celle de la Russie, est évidemment courroucée. Ce lundi 18 novembre le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a estimé que si elle devait être officiellement confirmée par Washington, cette autorisation conduirait à «une situation fondamentalement nouvelle en termes d’implication des Etats-Unis dans ce conflit». Car selon la doctrine énoncée précédemment par Vladimir Poutine, des frappes en territoire russe avec des missiles étrangers seraient considérées par Moscou comme des attaques «[non] pas réalisées par l’Ukraine, mais par les pays qui en donnent l’autorisation». «Les coordonnées des cibles ne sont pas fournies par les militaires ukrainiens, mais par des spécialistes de ces pays occidentaux. Cela change radicalement la nature de leur implication», a répété Dmitri Peskov, lundi.

Pour Moscou, «il est évident que l’administration sortante à Washington a l’intention de prendre des mesures pour continuer à jeter de l’huile sur le feu et à provoquer une nouvelle montée des tensions». En septembre, Vladimir Poutine avait prévenu qu’un tel feu vert occidental «ne signifierait rien de moins qu’une implication directe des pays de l’Otan dans la guerre en Ukraine».

La Chine appelle à la paix

Alliée discrète de la Russie, la Chine a de nouveau appelé ce lundi à la paix en Ukraine, sans réagir sur le fond de la décision américaine. «Un cessez-le-feu rapide et une solution politique sont dans l’intérêt de toutes les parties», s’est contenté de déclarer le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, Lin Jian, interrogé à ce propos lors d’une conférence de presse. «Le plus urgent est d’encourager un apaisement de la situation aussi vite que possible», a-t-il affirmé.

La Chine se présente souvent comme un pays neutre concernant la guerre en Ukraine et assure ne pas vendre d’équipements létaux aux belligérants. Pékin reste néanmoins un allié économique et politique majeur de Moscou et n’a jamais condamné l’offensive russe. «La Chine a toujours encouragé et soutenu tous les efforts allant vers une résolution pacifique de la crise», a poursuivi Lin Jian, ajoutant que Pékin avait la volonté de «continuer à jouer un rôle constructif […] à sa façon» dans cette optique.

Pour Paris, l’utilisation de missiles français par l’Ukraine reste «une option»

La France a réagi par l’intermédiaire de son ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Loin de condamner la décision américaine, celui-ci a réaffirmé ce lundi que l’utilisation de missiles français par les forces ukrainiennes sur le sol russe restait «une option». «Vous avez entendu le président Macron à Meseberg (Allemagne) le 25 mai, où nous avons ouvertement dit que c’était une option que nous prenions en considération, s’il fallait autoriser des frappes sur des cibles depuis lesquelles les Russes attaquent le territoire ukrainien», a-t-il dit, en anglais, à son arrivée à Bruxelles pour une réunion des ministres des Affaires étrangères. «Donc, rien de nouveau sous le soleil», a-t-il ajouté.

La France a fourni des missiles sol-air à moyenne portée de type Scalp à l’Ukraine, mais s’est toujours refusée à indiquer combien avaient été livrés et s’ils avaient été utilisés par les forces ukrainiennes.

Les autres pays européens entre soutien et réticences

Dans le reste de l’Europe, la décision américaine est diversement reçue. La Pologne, soutien farouche de Kyiv, a estimé que, suite à «l’entrée en guerre des troupes nord-coréennes et à l’attaque massive de missiles russes, le président Biden a répondu avec un langage que Vladimir Poutine comprend». C’est le ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski, qui a posté ces mots dès dimanche soir sur X, ajoutant : «La victime d’une agression a le droit de se défendre».

La réaction est beaucoup plus timorée à Rome, qui a réaffirmé ce lundi que les armes italiennes fournies à Kyiv «ne peuvent seulement être utilisées qu’à l’intérieur du territoire ukrainien». Le ministre des Affaires étrangères italien, Antonio Tajani, l’a rappelé ce lundi à Bruxelles, précisant que la position de son pays «ne change pas». Antonio Tajani s’est par ailleurs déclaré «favorable à une conférence paix en présence des Russes, des Chinois, des Indiens et des Brésiliens».

A cette heure, les réactions officielles du Royaume-Uni et de l’Allemagne, ne sont pas connues. Celle de Berlin sera particulièrement suivie après l’appel du chancelier Olaf Scholz à Vladimir Poutine, vendredi.