De prime abord, Pyla est un village chypriote comme les autres. Situé dans le sud de l’île, il exhibe un clocher et un minaret comme dans la plupart des municipalités. Les retraités se prélassent au café. Après les cours, les enfants se rendent au gymnase pour faire du sport. Les va-et-vient constants des clients dans les boutiques d’alimentation et les tavernes témoignent d’une activité économique régulière. «C’est un joli village où il fait bon vivre, sourit Nick, le propriétaire d’un des restaurants sur la place centrale. Sauf qu’il y a cette foutue division ! C’est la chose la plus pénible au monde.» Depuis l’invasion turque de 1974, l’île est coupée en deux : pour simplifier, au nord, les Chypriotes turcs ; au sud, les Chypriotes grecs. Mais Pyla a une position particulière.
Le village est l’un des quatre situés dans la zone tampon démilitarisée – avec Athienou, Troulli et Denia – mais «il est le seul à avoir une population mixte depuis 1974», explique Simon Myrtides, le maire du village, issu de la communauté grecque. «Ça complique un peu la tâche. Nous sommes un cas unique.» L’édile insiste sur l’histoire chypriote, marquée par cinquante ans d’une division qui fait de ce gros morceau de terre en pleine Méditerranée orientale le dernier territoire européen coupé par un mur.
Avec son bandana sur la tête et une gouaille un peu m’as-tu-vu, Nick a des allures de pirate. Il vit la cohabitation avec un sentiment d’injustice : «A Pyla, c’est parti