Dans le terminal 5 de l’aéroport d’Arlanda, les écrans des départs n’affichent aucun retard ou annulation ce mardi matin. Dans le sas d’attente qui surplombe les pistes, Abel, employé dans une start-up suédoise d’intelligence artificielle, attend tranquillement l’annonce de l’embarquement à destination de Barcelone. Les récentes incursions de drones dans les aéroports de Copenhague (Danemark) et d’Oslo (Norvège) n’ont pas fait sourciller le jeune homme de 27 ans : «Il y a mille raisons qu’un avion soit annulé ou retardé.»
Le Premier ministre suédois, Ulf Kristersson, avait, lui, souligné lors d’une conférence de presse en début de semaine le risque que «ce qui s’est passé en Pologne, Estonie et Danemark aurait pu se dérouler en Suède et pourrait se passer en Suède».
«Culture de préparation»
Au Danemark, des aéronefs non identifiés ont troublé la tranquillité des nuits scandinaves. Le soir du 22 septembre, des drones non identifiés ont survolé l’aéroport de Copenhague, forçant la fermeture temporaire de l’espace aérien. Simultanément, Oslo interrompait son trafic pour les mêmes raisons. Vendredi, de nouvelles apparitions ont été signalées à proximité de la principale base aérienne danoise et de plusieurs sites militaires, selon un porte-parole des forces armées. «Un ou deux drones», a précisé la police danoise, sans pouvoir les identifier.
Sans preuve formelle, Ulf Kristersson a pointé du doigt Moscou. «Tout l’indique», a-t-il assuré lundi sur la chaîne TV4. Le même jour, il décidait d’expédier radars et systèmes antidrones au Danemark, qui en était dépourvu.
Copenhague a depuis annoncé vouloir acquérir ou louer ces équipements que la Suède perfectionne depuis des décennies, héritage d’une doctrine de défense forgée pendant sa longue période de non-alignement. «La Suède est davantage préparée aux conflits armés, analyse l’historienne Iben Bjornsson. Pendant la Guerre froide, le royaume devait anticiper le risque d’une invasion russe sans avoir l’aide de l’Otan. Cela a poussé le développement d’une importante industrie militaire et de technologies de pointe, notamment dans le domaine des radars.»
La chercheuse note que l’Agence de protection civile (MSB) diffuse depuis longtemps des consignes claires pour réagir face à un drone suspect. Une agence qui a aussi distribué à tous les foyers suédois des livrets explicatifs comportant des informations sur «la conduite à tenir en cas de guerre». Un exemple de prévoyance qui suscite l’intérêt jusqu’en France. «Cette culture de préparation fait que les Suédois ne paniquent pas face à ce type d’incidents», estime Bjornsson.
«Panique des autorités danoises»
Le constat contraste avec la réaction danoise, selon elle. Lorsque le ministre danois de la Justice a comparé les survols de drones aux attentats du 11 Septembre, nombreux sont ceux qui ont trouvé le parallèle excessif. «Ce sont des propos exagérés qui ne reflètent pas la situation, tranche la chercheuse suédoise. Cela traduit surtout un manque de préparation et une forme de panique des autorités danoises.»
En comparaison, la Suède a développé depuis longtemps une véritable culture de préparation face à ce type d’incidents. Selon le chercheur spécialiste en systèmes d’armement Hans Liwang, des systèmes de surveillance des drones étaient déjà opérationnels dans les principaux aéroports suédois avant les récents survols. «La Suède et la Finlande, qui organisent régulièrement des exercices militaires à proximité de la Russie et en mer Baltique, ont souvent recours à des systèmes antidrones. C’est une pratique installée depuis une dizaine d’années, voire plus», explique-t-il.
L’industriel Saab, auquel la France a récemment commandé deux avions radar, illustre ce savoir-faire. En pleine crise des drones nordiques, l’entreprise a mis en avant sur le réseau social X son système «Loke», un véhicule tout-terrain conçu pour intercepter de petits drones, récemment déployé lors d’exercices sur l’île stratégique suédoise de Gotland.