La tentative désespérée de la Présidente Salomé Zourabichvili n’aura fait gagner que quelques jours. Le Parlement géorgien a contourné ce mardi 28 mai le véto présidentiel et adopté définitivement la loi controversée sur l’influence étrangère, un texte qui provoque depuis plusieurs semaines des manifestations très importantes et des critiques occidentales. Les députés du parti au pouvoir du Rêve géorgien, majoritaires dans l’hémicycle, ont adopté la loi par 84 voix pour, et 4 contre, balayant ainsi le véto qu’avait apposé la cheffe de l’Etat pro-occidentale, après l’adoption du texte controversé au Parlement, le 14 mai. La plupart des députés de l’opposition ont quitté l’hémicycle au moment du vote.
Les détracteurs de cette loi, qui ont manifesté plusieurs fois par dizaines de milliers depuis début avril, qualifient le texte de «loi russe», en raison de sa similitude avec une législation sur les «agents de l’étranger» utilisée en Russie depuis 2012 pour réprimer toute voix dissidente. La loi impose à toute ONG ou média recevant plus de 20 % de son financement de l’étranger de s’enregistrer en tant qu’«organisation poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère» et de se soumettre à un contrôle administratif. Plusieurs ONG disent s’attendre à ce que leurs actifs soient gelés et leur travail entravé avec l’entrée en vigueur de cette loi.
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Dès avant le vote ce mardi, des manifestants avaient commencé à se rassembler devant le Parlement, brandissant drapeaux géorgiens et européens. Une manifestation était attendue dans la soirée, comme Tbilissi en a déjà connu avec parfois des dizaines de milliers de personnes. Si le Rêve géorgien a assuré que la loi ne visait qu’à obliger médias et ONG à la transparence, l’opposition géorgienne et l’Union européenne ont dénoncé une législation anti-démocratique, incompatible avec les ambitions affichées par cette ex-république soviétique du Caucase de rejoindre à terme l’UE.
Dans un communiqué diffusé ce mardi, le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borrell, a dit «profondément regretter» l’adoption définitive de la loi, appelant la Géorgie à «revenir fermement sur la voie de l’UE». L’Union européenne «a souligné à plusieurs reprises que la loi adoptée par le Parlement géorgien allait à l’encontre des principes et des valeurs fondamentales de l’UE», a-t-il rappelé, ajoutant que l’UE et ses Etats membres «examinent toutes les options».
«Réduire au silence les critiques»
Des opposants et analystes voient aussi en cette loi un instrument de répression particulièrement menaçant à cinq mois des législatives prévues en Géorgie fin octobre, qui pourrait priver le camp pro-européen de toutes chances de revenir au pouvoir. «Le Rêve géorgien sait qu’il perdrait le pouvoir si les élections étaient libres et équitables», affirme Tina Bokouchava, députée du parti d’opposition Mouvement national uni de l’ex-président pro-occidental Mikheil Saakachvili. «C’est pour cela qu’ils ont adopté la loi à l’approche du scrutin, ils espèrent l’utiliser pour réduire au silence les critiques.»
Le débat qui a précédé le vote mardi a été agité, comme souvent en Géorgie. Le député d’opposition Girogi Vachadzé s’est notamment vu aspergé d’eau alors qu’il s’exprimait à la tribune.
Bien que la Géorgie soit officiellement candidate à l’UE depuis décembre 2023, et que le Rêve géorgien soutienne formellement l’objectif inscrit dans la Constitution de rejoindre un jour l’UE et l’Otan, ce parti, au pouvoir depuis 2012, a récemment multiplié les mesures rapprochant le pays de Moscou.