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Libération
Mea culpa

Inondations en Espagne : le président de la région de Valence admet des «erreurs» mais ne démissionne pas

Deux semaines après les inondations meurtrières qui ont ravagé le sud-est de l’Espagne et tué plus de 220 personnes, le conservateur Carlos Mazón a reconnu dans un discours une part de responsabilité, tout en accusant les services de l’Etat central d’avoir fourni des informations inexactes.
Des manifestants brandissent des pancartes montrant les dégâts causés par les inondations lors d'une manifestation pour demander la démission du président de la région de Valence, Carlos Mazón, à Valence, le 9 novembre 2024. (César Manso /AFP)
publié le 15 novembre 2024 à 12h10
(mis à jour le 15 novembre 2024 à 15h07)

Deux semaines après les inondations meurtrières dans la communauté autonome de Valence, dans le sud-est de l’Espagne, le président de la région, Carlos Mazón a pris la parole pour la première fois ce vendredi 15 novembre devant le parlement régional, et admis qu’il y avait eu «des erreurs» dans la gestion de la catastrophe dont le bilan provisoire s’établissait jeudi à 224 morts.

«Je ne vais pas nier (qu’il y a eu) des erreurs», a déclaré Mazón dans un discours prononcé à son initiative, afin de rendre compte de la réponse des autorités à cette crise sans précédent. «Je ne vais éluder aucune responsabilité», a-t-il ajouté. «En tant que président de la Generalitat (gouvernement régional), je veux présenter mes excuses» aux habitants qui ont eu «le sentiment que l’aide n’arrivait pas ou n’était pas suffisante», a poursuivi Carlos Mazón. Le président a annoncé la formation d’une commission parlementaire pour faire «toute la lumière» sur les événements, et souhaité que le Congrès à Madrid en fasse autant.

Plus de trois heures pour un déjeuner

Samedi 9 novembre, des milliers de personnes avaient manifesté dans les rues de Valence pour exiger la démission du dirigeant du PP (Partido Popular, conservateur), accusé d’avoir ignoré la gravité des alertes et réagi avec lenteur. Ce jeudi-là, Mazón déjeunait avec une journaliste de télévision à qui il proposait la direction de A Punt, l’agence audiovisuelle publique de la région. Les agapes se sont prolongées pendant plus de trois heures, sans que le président juge utile de les écourter. A 18 heures, quand Carlos Mazón quitte le restaurant, une réunion de crise est déjà en route depuis une heure.

Il mettra une heure de plus à rejoindre cette cellule, en raison, justifiera-t-il plus tard, d’embouteillages. Ce n’est qu’après 20 heures qu’une alerte de mise à l’abri est envoyée sur les téléphones portables, en deux vagues, alors que de nombreux lieux de la province et de la périphérie de Valence sont déjà inondés, que des routes sont submergées et des véhicules emportés par les eaux. Dans son intervention devant les députés régionaux, le président de la Generalitat n’a pas évoqué une seule fois son emploi du temps du jeudi fatidique.

Quelque 300 personnes étaient réunies devant le Palais de Benicarló à Valence, siège du Parlement et ancienne demeure de la fameuse (et toxique) famille Borgia. Les manifestants criaient «menteur» ou «le président à Picassent», ville de la périphérie connue pour sa prison.

Jusqu’à présent, le président avait fourni des explications contradictoires sur sa gestion de la crise, qui revenaient à rejeter tous les torts sur le gouvernement central. Un narratif amorcé dès le lendemain de la catastrophe par le chef du PP, Alberto Núñez Feijóo, qui dédouanait son collègue de parti avant même que l’ampleur de la tragédie soit évaluée. Vendredi, les mêmes arguments ont été répétés : le président a jugé «légitime de se demander» si les organismes chargés des mesures pluviométriques «se sont vus dépassés, et si tous les acteurs disposaient des informations suffisantes en temps et en forme pour activer des protocoles».

La région affirme avoir reçu des informations floues, incomplètes, voire fausses, de la part de deux organismes dépendant de Madrid : la météorologie nationale (Aemet) et la Confédération du fleuve Júcar, équivalent d’une Agence de l’eau en France. Les deux institutions ont pourtant rappelé les très nombreux messages envoyés aux autorités de Valence sur l’aggravation de la situation au fil de la journée, en sus des avertissements publiés sur les réseaux sociaux plusieurs jours avant les pluies diluviennes. Mazón et son entourage ont en outre ignoré d’autres signaux : les décisions de suspendre leurs activités prises à la mi-journée par les universités, des établissements scolaires ou encore l’usine Ford d’Almussafes, un des principaux employeurs de la région.

Une commissaire européenne contestée

La comparution de Carlos Mazón a des répercussions jusqu’à Bruxelles, où les eurodéputés doivent se prononcer sur la nomination de l’Espagnole Teresa Ribera comme vice-présidente de la Commission européenne pour la Transition écologique et la Concurrence. Le Partido Popular a demandé à ses alliés du PPE (le groupe parlementaire le plus important) de récuser ce choix, au motif que Ribera est l’actuelle ministre de la Transition écologique à Madrid, et aurait à ce titre une responsabilité dans les défaillances de la gestion des inondations. Mardi, lors de son audition par les députés, elle a répondu pendant trois heures aux attaques violentes d’élus de droite et d’extrême droite.

Mise à jour à 14 h 11 avec les déclarations de Carlos Mazón