L’aveu a été prononcé, mercredi 4 septembre au soir, au journal télévisé de Rai 1. La tête baissée, le ministre italien de la Culture, Gennaro Sangiuliano, a confessé dans une longue interview avec le directeur de la principale chaîne publique avoir entretenu «une relation sentimentale» avec Maria Rosaria Boccia. Dans un sanglot, il a demandé pardon à sa femme, avant de présenter ses excuses à Giorgia Meloni et à ses collaborateurs. Car au cours des derniers jours, l’adultère du ministre a pris un tour politique poussant Gennaro Sangiuliano à présenter sa démission. Refusée dans un premier temps par la présidente de Conseil, elle l’a finalement acceptée ce vendredi 6 septembre.
Analyse
Dans un pays qui a connu le «bunga bunga» de Silvio Berlusconi et bien d’autres rumeurs sur des liaisons extra-conjugales de responsables gouvernementaux, la relation du titulaire de la Culture aurait pu en rester à la rubrique mondaine. Mais Maria Rosaria Boccia a laissé entendre que le ministre l’avait pendant des mois emmenée dans ses déplacements publics (il retirait pour l’occasion son alliance) et aurait envisagé de la nommer conseillère, chargée des Grands événements. Renonçant finalement à la promouvoir, celle-ci aurait décidé de se venger.
«On ne peut pas me faire de chantage»
Depuis fin août, la jeune femme inonde ainsi les réseaux sociaux de documents et témoignages qui confirment leur relation. Dans un premier temps, Giorgia Meloni a cherché a minimiser l’affaire en assurant, mardi soir, avoir reçu l’assurance de la part de son ministre de la Culture que celui-ci non seulement n’avait pas dépensé le moindre denier public pour la dame, qu’il avait bel et bien envisagé de lui confier une mission «non rétribuée» avant d’y renoncer et de rompre avec la jeune femme, mais aussi que Maria Rosaria Boccia n’avait eu «aucun accès à des dossiers réservés» notamment en vue du G7 Culture, qui se tiendra du 18 au 20 septembre à Pompéi.
Il reste que la cheffe du gouvernement n’avait pas fini son intervention télévisée que l’audacieuse accompagnatrice envoyait à une autre chaîne télé la preuve qu’elle avait eu accès à des documents confidentiels. Avant d’ajouter qu’elle avait de nombreux mails à sa disposition et qu’elle avait même enregistré certaines conversations dans les palais du pouvoir au moyen d’une caméra cachée dans ses lunettes. «On ne peut pas me faire de chantage», a assuré Gennaro Sangiuliano devant les caméras de la Rai, en montrant notamment des factures réglées avec sa carte bancaire personnelle.
Une succession de déclarations embarrassantes
L’opposition de gauche estime que l’affaire «met en jeu la crédibilité du gouvernement». D’autant que Gennaro Sangiuliano s’était déjà illustré au cours des derniers mois par une succession de déclarations embarrassantes en plaçant par exemple Times Square à Londres, en affirmant de manière anachronique que Christophe Colomb s’était inspiré des théories de Galilée, en avouant par inadvertance ne pas voir ouvert les livres primés au Prix Strega dont il était censé être membre du jury («j’essaierai de les lire») ou encore en soutenant que «Dante est le fondateur de la pensée de droite». Car cet ancien militant néofasciste, journaliste et professeur universitaire, n’est pas seulement un ministre gaffeur. Depuis son arrivée au gouvernement, il cherche à placer ses hommes dans les principales institutions culturelles du pays et à promouvoir une narration nationaliste. La nouvelle loi sur le cinéma, vivement contestée par une partie du secteur, prévoit par exemple de soutenir financièrement les œuvres sur des personnages et des événements liés à l’histoire italienne.
Selon la presse transalpine, l’affaire Boccia-Sangiuliano, qui a suscité beaucoup d’interrogations (la jeune femme a-t-elle agi seule ? pourquoi Giorgia Meloni n’a-t-elle pas tout de suite désavoué son ministre ?), a enfin trouvé son épilogue.