Menu
Libération
Délit de solidarité

Italie : pour la première fois, une ONG secourant des migrants sur le banc des accusés

Six membres de l’organisation Mediterranea Saving Humans ont comparu ce mardi 21 octobre devant un tribunal sicilien. Ils sont accusés d’avoir reçu de l’argent d’un cargo danois ayant secouru des migrants naufragés.

Le cofondateur de l'ONG Mediterranea Saving Humans, Luca Casarini est parmi les six accusés. (Alessandro Garofalo/IPA/ABACA)
Publié le 21/10/2025 à 21h02

L’aide aux migrants judiciarisée. Accusés d’aide à l’immigration clandestine, six membres de l’ONG italienne de Mediterranea Saving Humans (MSH), sont jugés pour «association criminelle visant à favoriser l’immigration illégale». Leur procès s’est ouvert mardi 21 octobre devant un tribunal de Sicile et revêt un caractère inédit : aucune affaire similaire n’avait jusqu’à présent été portée devant la justice italienne.

Parmi les prévenus figurent, entre autres, le cofondateur de l’ONG, Luca Casarini, Pietro Marrone, commandant du navire humanitaire Mare Jonio, appartenant à MHS, ainsi que des membres de l’équipage, dont un médecin. Ils sont accusés d’avoir reçu de l’argent du géant danois du transport maritime AP Moeller-Maersk contre l’accueil de migrants bloqués à bord d’un de ses cargos. Le transporteur aurait recueilli des migrants bloqués à bord d’un de ses cargos et les aurait débarqués en Italie, rendant ainsi service à MSH.

Une «donation transparente»

Selon l’accusation, l’opération de sauvetage a été motivée par des raisons financières : en cause, un versement de 125 000 euros du danois AP Moeller-Maersk à une société qui chapeaute l’ONG Mediterranea Saving Humans, plusieurs mois après les faits.

MSH soutient que ce versement est une «donation transparente» ; une version confirmée par le géant danois. Le transporteur fait valoir qu’il avait décidé, plusieurs mois après l’incident, de verser cette contribution pour «couvrir une partie des coûts» supportés par l’ONG, et qu’«à aucun moment» une compensation financière n’avait été évoquée avant ou pendant l’opération. Il rappelait en outre que lors du sauvetage des migrants, ses appels répétés à l’aide avaient été ignorés par les autorités et que la situation à bord était devenue «critique d’un point de vue humanitaire».

Les ONG de secours aux migrants opérant entre la Libye, Malte et l’Italie étant régulièrement critiquées dans la péninsule, l’accusation dont MHS fait l’objet est plutôt commune. Ces associations sont même parfois accusées de «collusion avec les trafiquants de migrants», notamment lors d’opérations de sauvetage sur des small boats.

Le procès de MHS est le premier du genre en Italie, les précédentes tentatives pour poursuivre en justice des membres d’équipage de navires portant assistance aux migrants ayant toutes avorté avant ou pendant les audiences préliminaires. Une première qui doit beaucoup au durcissement de la politique migratoire de Giorgia Meloni : depuis son arrivée au pouvoir en 2022, le gouvernement d’extrême-droite de la Première ministre italienne a fait de la lutte contre l’immigration clandestine son cheval de bataille, s’efforçant d’endiguer l’arrivée sur le territoire de migrants franchissant la Méditerranée.