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Billet

Jacques Delors ou le courage d’admettre ses failles

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Si l’ancien président de la Commission européenne était populaire, ceux qui le côtoyaient à Bruxelles savaient qu’il lui aurait été difficile d’affronter une campagne présidentielle. Pour Jean Quatremer, une affectivité exacerbée était le point faible de Delors.
Jacques Delors devant la presse, le 15 mai 1994. (Jean François Campos/Agence VU)
publié le 5 janvier 2024 à 17h19

Lorsque le monde politico-médiatique français s’enflamme tout au long de l’année 1994 sur la possible candidature du socialiste Jacques Delors à l’élection présidentielle de 1995, les journalistes en poste à Bruxelles, dont l’auteur de ces lignes, sont pour le moins surpris par cette bulle qui n’a cessé de grossir. Certes, le président de la Commission européenne jouit d’une forte popularité dans l’opinion, mais elle est liée à son éloignement de Paris et à ses succès européens : penser qu’elle résistera à un retour dans l’arène nationale procède d’un «wishful thinking» (vœux pieux) comme on le dit dans la capitale européenne. Surtout, ceux qui le fréquentaient depuis sa nomination en 1985 avaient pris la mesure de l’homme : certes intelligent, doté de fortes convictions dont il ne déviait que pour mieux contourner une opposition et d’une force de travail hors du commun, pensant à long terme, il avait aussi ses failles – ou ses qualités, c’est selon – qui le rendaient en réalité incapable d’affronter sur le plan personnel une élection présidentielle et il le savait. Son renoncement, en décembre