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Billet

Jacques Delors ou le rêve d’une Europe impossible

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L’ancien président de la Commission (1985-1994), qui reçoit un hommage national ce vendredi, avait mis avec succès l’institution au service de sa foi fédéraliste. Trente ans plus tard, l’élan intégrateur s’est brisé sur l’absence de volonté politique des Etats et un élargissement non maitrisé.
Jacques Delors, avant une interview télévisée sur France 2, en novembre 1994. (Philippe Bussin/AFP)
par Jean Quatremer, Correspondant européen
publié le 4 janvier 2024 à 17h14
(mis à jour le 5 janvier 2024 à 8h30)

Les europhiles espèrent avec ferveur le retour d’un président de la Commission de l’envergure d’un Jacques Delors, mort le 27 décembre et auquel la France rend hommage ce vendredi 5 janvier. Car, depuis son départ à la retraite, le 31 décembre 1994, après dix ans passés à la tête de l’exécutif européen, aucun de ses successeurs ne lui est arrivé à la cheville. C’est sous son impulsion que l’Europe a accompli des pas de géant dans son intégration (du marché unique à l’euro en passant par une extension vertigineuse de ses compétences) qui laissent le souvenir d’un paradis perdu (ou d’un enfer pour les souverainistes, c’est selon), celui où l’engrenage vertueux menant à une fédération européenne paraissait possible. Trente ans plus tard, on en est plus loin que jamais, les Etats, travaillés par des forces eurosceptiques et europhobes de plus en plus puissantes, renâclant à aller plus loin.

Le refus de Jacques Delors d’accepter d’être une nouvelle fois reconduit dans ses fonctions (il aurait pu, à 69 ans) n’a fait, en réalité, qu’acter la fin d’un certain rêve européen. Dès le non des Danois au traité de Maastricht, en juin 1992, suivi du petit oui français