«Il n’y a aucun parti ou candidat qui me correspond parfaitement, mais on sait de qui on doit se débarrasser», plaisante Ata Büyükyörük, 20 ans, étudiant en architecture à l’université technique Yildiz d’Istanbul. Lui qui n’a jamais vécu dans une Turquie autre que celle gouvernée par Recep Tayyip Erdogan et le Parti Justice et Développement (AKP), votera ce dimanche 14 mai pour la première fois de son existence. Son vote ira à la «table des six», la coalition d’opposition menée par le leader du Parti républicain du peuple (CHP), Kemal Kiliçdaroglu, aussi bien à la présidentielle qu’aux législatives. «Peut-être qu’eux aussi prendront des mauvaises décisions, mais, au moins, ils rétabliront le système parlementaire et mettront un terme à la répression. A l’heure actuelle, j’ai peur de publier mes idées sur Twitter, plaide-t-il. Ça ne peut qu’être mieux que le gouvernement actuel.» Asya Ozyurt, 18 ans, également étudiante en architecture et qui, comme Ata, votera pour le CHP, lui emboîte le pas : «Oui, et avec l’opposition, inch Allah, l’économie retournera à la normalité, espère-t-elle. Je pense que si l’opposition arrive au pouvoir, elle mettra un terme à cette politique répressive. Et je pense qu’elle va gagner. J’ai de l’espoir.» «Dans les circonstances actuelles, il y a beaucoup de jeunes qui partent à l’étranger à cause de la crise économique. Moi, je souhaiterais rester ici, je n’ai aucune envie de quitter la Turquie», poursuit Ata.
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Sude et Irem, toutes deux âgées de 20 ans, voteront quant à elles pour le parti au pouvoir. «Au cours des vingt dernières années, notre pays s’est beaucoup développé grâce à Erdogan, explique Sude, étudiante en soutien psychologique à l’université stambouliote Sabahattin-Zaim. En matière d’infrastructure, on a vraiment passé un cap avec les routes, les ponts et les aéroports qu’il a fait construire. Dans le champ technologique, aussi, on a désormais notre place à l’échelle mondiale.» Pour Irem Nuryaman, étudiante en physiothérapie à l’université de Nisantasi à Istanbul, il s’agit aussi de préserver les acquis liés à la religiosité : «Je ne fais pas confiance à l’opposition car je suis voilée et [elle] est opposée au port du voile. Je ne pense pas qu’elle respectera mes croyances religieuses si elle arrive au pouvoir, avance-t-elle. Aujourd’hui, je peux aller à l’université tranquillement avec mon voile, ce n’était pas le cas lorsqu’elle gouvernait le pays dans le passé et je crains qu’elle ne réintroduise ces interdictions.»
Etudiant en médecine à l’université Medeniyet d’Istanbul, Tunahan Ayas, 20 ans, votera également pour la première fois. Originaire d’une famille kurde d’Agri, ville de l’est du pays, il votera pour le CHP de Kemal Kiliçdaroglu à la présidentielle, mais pour le Parti démocratique des peuples (HDP), pro-kurde, aux législatives. «Pour moi, les deux sujets les plus importants du pays sont la justice et l’éducation, affirme-t-il. Je pense que l’opposition accordera plus d’importance à l’identité, à la culture et à la langue kurdes.»