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Justice

Julian Assange : la justice britannique retarde sa décision sur l’extradition et demande des garanties aux Etats-Unis

La Haute-Cour de Londres a repoussé ce mardi 26 mars de trois semaines la décision sur l’extradition du fondateur de WikiLeaks aux Etats-Unis et a demandé à Washington d’apporter des «garanties satisfaisantes» sur le sort de l’Australien.
Une manifestation en soutien à Julian Assange, devant le consulat anglais à Barcelone (Espagne), le 20 février 2024. (Marc Asensio/NurPhoto. AFP)
publié le 25 mars 2024 à 17h34
(mis à jour le 26 mars 2024 à 12h07)

Julian Assange toujours en sursis. La justice britannique a retardé ce mardi 26 mars sa décision sur l’extradition du fondateur de WikiLeaks. La Haute Cour du Royaume-Uni a en effet donné trois semaines aux Etats-Unis pour apporter des garanties satisfaisantes quant au sort réservé à l’Australien : que M. Assange puisse s’appuyer sur «le Premier Amendement de la Constitution américaine (qui protège la liberté), qu’il ne lui soit pas porté préjudice pendant son procès (y compris le verdict) en raison de sa nationalité [australienne, ndlr], qu’il lui soit accordé les mêmes protections du Premier Amendement, comme pour tout citoyen américain, et que la peine de mort de lui soit pas appliquée».

La cour poursuit en indiquant que «si après trois semaines, ces garanties ne sont pas fournies, elle autorisera alors la défense de Julian Assange à faire appel et une nouvelle audience aura lieu. En revanche, si les garanties sont fournies, toutes las parties auront une nouvelle opportunité pour s’exprimer. Il y aura une nouvelle audience le 20 mai 2024 pour décider si ces garanties sont satisfaisantes et pour prendre une décision finale» sur l’extradition de Julian Assange. Ce dernier est poursuivi outre-Atlantique pour une fuite massive de documents en vertu d’une loi de 1917 sur l’espionnage.

En substance, les deux juges de la Haute-Cour, Victoria Sharp et Jeremy Johnson, doivent décider s’ils accordent ou non à l’Australien de 52 ans le droit de faire appel de son extradition, acceptée en juin 2022 par le gouvernement britannique. En cas de défaite, le lanceur d’alerte aurait épuisé tous les recours permis par le droit britannique.

L’intéressé saisirait alors la Cour européenne des droits de l’Homme dans l’espoir de faire suspendre l’extradition, selon son épouse Stella Assange. Il s’agirait d’une nouvelle étape dans une affaire érigée en symbole des menaces qui pèsent sur la liberté de la presse dans le monde.

La justice américaine poursuit Julian Assange pour avoir publié à partir de 2010 plus de 700 000 documents confidentiels sur les activités militaires et diplomatiques américaines, en particulier en Irak et en Afghanistan. Parmi eux figure une vidéo montrant des civils, dont deux journalistes de l’agence Reuters, tués par les tirs d’un hélicoptère de combat américain en Irak en juillet 2007.

Arrêté par la police britannique en 2019 après sept ans passés dans l’ambassade d’Équateur à Londres, afin d’éviter son extradition vers la Suède dans une enquête pour viol, classée sans suite en 2019, le fondateur de WikiLeaks risque 175 ans de prison aux Etats-Unis.

Ces dernières semaines, les proches de Julian Assange, détenu depuis cinq ans dans la prison de haute sécurité de Belmarsh à Londres, ont alerté sur la dégradation de son état de santé. Sa défense met également en avant un risque de suicide en cas d’extradition. En janvier 2021, la justice britannique avait initialement tranché en faveur du fondateur de WikiLeaks. Invoquant un risque de suicide, la juge Vanessa Baraitser avait refusé de donner son feu vert à son extradition outre-Atlantique. Mais cette décision a ensuite été infirmée. Lors des deux jours d’audience qui se sont tenus en février, Julian Assange était absent car souffrant.

«Risque réel» d’un «déni de justice flagrant»

Les avocats de l’Australien s’étaient efforcés, pendant les débats, de convaincre les magistrats que ces poursuites contre ce dernier étaient «politiques». Julian Assange est poursuivi pour des «pratiques journalistiques ordinaires» consistant à «obtenir et publier des informations», avait fait valoir son conseil Edward Fitzgerald. Son client risque une peine disproportionnée aux Etats-Unis et «il existe un risque réel qu’il subisse un déni de justice flagrant», avait-il ajouté.

L’avocate Clair Dobbin, qui représente le gouvernement américain, avait de son côté souligné le fait que Julian Assange avait «publié sans discernement et en connaissance de cause les noms d’individus qui ont servi de sources d’information pour les Etats-Unis». «Ce sont ces faits qui le distinguent [d’autres médias], et pas ses opinions politiques», avait-elle affirmé.

Pour tenter de rassurer sur le traitement qui lui serait infligé, les Etats-Unis ont affirmé qu’il ne serait pas incarcéré à la prison de très haute sécurité ADX de Florence (Colorado), surnommée l’«Alcatraz des Rocheuses», et qu’il recevrait les soins cliniques et psychologiques nécessaires. Les Américains avaient aussi évoqué la possibilité qu’il puisse demander à purger sa peine en Australie. Le Premier ministre australien Anthony Albanese a récemment dénoncé les poursuites engagées par la justice américaine contre le lanceur d’alerte, et le Parlement australien a adopté une motion demandant d’y mettre un terme. De nombreuses voix dans le monde ont exhorté le président américain Joe Biden à abandonner les 18 chefs d’accusation retenus durant le premier mandat de Donald Trump.

Mise à jour ce mardi 26 mars : actualisation à 12 heures avec la décision de la justice britannique.